Plantes de basse et haute altitude dans l’Himalaya

Cet article, issu de la traduction par Alain Denis, d’un texte original de Martin Walsh, paru en 3 parties dans les bulletins N°247, 248, 249

D’après le texte original de la conférence de Martin Walsh « High & low in the Himalaya » à l’occasion de la 8ème Conférence Internationale de Jardins de Rocaille de Nottingham en avril 2011 et publié par l’AGS.

Martin Walsh et moi-même avons participé en juin 2009 à une expédition de 4 semaines dans le nord-ouest du Yunnan. Lorsque je lui ai proposé de publier des traductions de ses expéditions il m’a immédiatement dit oui, en me disant : « je serais très honoré d’être publié en français, tu peux reprendre l’article de ma conférence à Nottingham en 2011, je t’enverrai des photos différentes de celles publiées par l’AGS». J’espère convaincre Martin de m’autoriser à publier en français un compte rendu sur l’une de ses dernières expéditions dans l’Arunachal Pradesh ou au Bhoutan et non publiées par une autre société botanique.

Dans cet article, ci-dessous, Martin Walsh examine la richesse de la flore montagnarde de l’Himalaya qu’il connait bien pour avoir participé à de très nombreuses expéditions ou pour en avoir dirigées au Bhoutan notamment, au Sikkim, au Népal ou dans l’Arunachal Pradesh au nord-est de l’Inde.

« Qu’il s’agisse d’un paysage spectaculaire, d’une remarquable flore variée ou de faune, sans oublier les diverses cultures, peu d’endroits, s’il en est, peuvent supporter la comparaison avec l’Himalaya. C’est après tout le plus grand système montagneux de la planète et cette région ne comprend pas seulement le plus haut et le troisième plus haut sommet du monde – le Mont Everest et le Kanchenjunga – mais elle compte également plus de 30 sommets au-dessus de 7620 m ainsi que l’un des plus profonds canyons au monde, les Gorges de la Kali Gandaki dans le centre du Népal.

Cette vaste chaine montagneuse s’étend sur quelques 2500 km du nord-ouest au sud-est, à travers le Pakistan, divers états indiens incluant le Sikkim et l’Arunachal Pradesh, ainsi que le Népal, le Bhoutan et une partie du Tibet (Xizang). Tandis que l’Himalaya est considéré comme faisant partie d’un système montagneux beaucoup plus grand incluant l’Hindu-Kush et le Karakoram, il est communément défini comme l’aire comprise entre la rivière Indus à l’ouest et la rivière Brahmapoutre à l’est.

Les Gorges de la Kali Gandaki au Nepal
  Les Gorges de la Kali Gandaki au Nepal – photo : Martin Walsh

Comme on pourrait s’y attendre, la flore n’est pas seulement extrêmement riche mais elle est aussi extraordinairement diverse, passant de la flore subtropicale à la flore alpine et souvent sur une distance relativement courte, ce qui en fait encore l’une des plus passionnantes mais aussi l’une des plus stimulantes à étudier. Dans des endroits comme la vallée de la Marsyandi dans le Népal central, il est possible de démarrer une expédition dans une zone de flore subtropicale et, en l’espace de quelques jours de marche vous vous retrouvez au beau milieu des alpines au Thorung La à environ 5400 m d’altitude. La richesse de cette flore est largement due à la grande variation climatique mais aussi à la longue histoire et à la topographie conduisant à l’isolement et à l’endémisme. Evidemment, l’Himalaya est affecté par les moussons à des degrés variables avec les régions les plus humides au Sikkim, au Bhoutan et au Népal. D’autre part l’Himalaya tibétain ne reçoit que partiellement la mousson avec beaucoup de zones protégées des pluies.

Les zones dont nous discuterons dans cet article comprennent la vallée de la Marsyandi au Népal central, la vallée de Kangshung au sud-est du Tibet, la zone du Kanchenjunga à l’ouest du Sikkim, la région de Kinnaur dans l’Himachal Pradesh ainsi que les parties de l’ouest, du centre et de l’est du
Bhoutan que j’ai toutes visitées au cours des dix dernières années. Bien que ces zones aient été largement botanisées tout au long des deux derniers siècles, et en particulier par Joseph Dalton Hooker, Frank Ludlow et George Sherriff, Alexander Frederick Wollaston, Oleg Polunin et Adam Stainton et bien d’autres, de nouvelles espèces continuent d’être découvertes de nos jours.

Dans la zone subtropicale, la vie des plantes est probablement une des plus exubérante avec un nombre immense d’espèces différentes – dont la plupart ne sont pas familières à ceux qui jardinent sous un climat tempéré – qui comprennent un grand nombre d’espèces d’arbres et arbustes à feuilles persistantes et caduques, de plantes grimpantes et d’épiphytes, mais qui, il faut bien l’admettre, n’intéresseraient que peu le rocailleur moyen.

Cependant, dans les parties plus basses (2000 – 2700 m) de la zone tempérée, il y a un nombre surprenant d’espèces qui devraient plaire, y compris diverses gesnériacées telles que Didymocarpus podocarpus, Chirita lachenensis et Corallodiscus x bhutanicus etc., qui poussent toutes sur des rochers humides couverts de mousse.

Les plantes de sous-bois

Les forêts à l’est de l’Himalaya sont parmi les forêts tempérées les plus riches en espèces du monde tandis que les forêts les mieux préservées de tout l’Himalaya se trouvent au Bhoutan où elles couvrent encore 70 % du pays. Ces forêts sont le royaume d’une étonnante profusion de plantes dont beaucoup sont extrêmement valables au jardin comme Roscoea bhutanica, Streptopus simplex, Buddleja colvilei, Magnolia globosa et encore bien d’autres. Il est alors surprenant que certains considèrent qu’il faut supporter cette région pour trouver ce qui est intéressant beaucoup plus haut.
Les Arisaemas sont un élément courant de la flore de base en particulier dans les forêts de brume au-dessus de 3000 m et l’un des plus communs d’entre eux, et sans aucun doute, l’une des espèces les plus variables est Arisaema propinquum. La variation la plus évidente est la couleur de la spathe qui peut aller du noir violacé au vert jaunâtre et plus typiquement le brun violacé. Les Arisaemas sont communément appelés « lis cobra », et peut-être que l’espèce qui ressemble le plus au reptile est A. griffittii dont la spathe se rabat sur elle-même ce qui lui fait deux grands lobes en forme d’oreilles.


Tandis que de nombreux jardiniers sont plutôt familiers avec les Maianthemum racemosa (anciennement Smilacina), très cultivés et  fortement parfumés, ses équivalents himalayens sont moins courants mais tout aussi désirables. Le meilleur d’entre eux, est Maianthemum oleraceum var. acuminatum, qui au Bhutan dépasse souvent 1,20 m et possède de grandes fleurs terminales paniculées allant du rose pâle au rouge vineux foncé et même blanc pour la variété oleraceumRoscoea bhutanica aux fleurs violet pourpre est l’une des espèces les plus robustes que l’on peut trouver dans les forêts himalayennes. Ce proche parent des gingembres a été décrit comme nouvelle espèce en 2000 sur la base de matériel d’herbier ainsi que d’après des plantes cultivées au Jardin Botanique Royal d’Edinbourg dont des graines avaient été collectées par David Long et Ian Sinclair à l’occasion de leur expédition au Bhoutan en 1984.

Les bulbes

Comme on pourrait s’y attendre, l’éventail des plantes bulbeuses que l’on rencontre dans la région de l’Himalaya est significatif et comprend les genres Iris, Fritillaria, Allium, Lloydia, Notholirion, Lilium, etc. Parmi ceux-ci, les lis sont mes favoris avec des espèces de premier plan poussant ici,
comprenant l’une des espèces les plus distinctes de tous les lis : Lilium nepalense aux grandes fleurs jaune pâle en forme d’entonnoir, tachetées de grenat foncé à l’intérieur. On trouve souvent ce lis poussant sur le bord des routes dans le centre du Népal à une altitude incroyablement basse de 2430 mètres.

Autre lis remarquable également, L. sherriffae possède des fleurs rouge foncé en forme de cloches à damiers d’or à l’intérieur. C’est une espèce relativement rare, seulement connue dans quelques endroits du Népal et du Bhoutan. L’auteur ainsi que les autres membres de l’expédition de 2008 au Bhoutan central ont redécouvert cette espèce juste à quelques kilomètres au nord de l’endroit où Ludlow et Sherriff la trouvèrent la première fois en 1949. Elle poussait sur une pente sableuse couverte d’herbe dans une forêt de sapins à environ 3600 m d’altitude. Pas de modestes associés pour ce lis qui poussait parmi des plantes aussi désirables que Meconopsis bellaPrimula umbratilis ainsi que trois espèces différentes de Cypripedium. Deux années plus tard, plusieurs membres de cette même expédition retournèrent au Bhoutan central et découvrirent une population de bonne taille près de Maroothang, une localité qui n’avait pas été répertoriée auparavant.

Exceptionnellement toutes les fleurs étaient roses, une couleur jusque-là inconnue. L’une des très rares fritillaires rencontrées dans l’Himalaya est Fritillaria delavayi, une plante relativement petite avec comparativement une grande fleur teintée de rouge à l’intérieur. C’est la seule fritillaire de cette région qui pousse dans des éboulis instables et le plus souvent elle est difficile à trouver à cause de son camouflage, la couleur brune de ses fleurs se confondant avec les rochers.

Les orchidées

Alors qu’il y a des centaines d’espèces d’orchidées dans l’Himalaya dont beaucoup sont épiphytes, ce sont les orchidées terrestres qui attirent le plus les jardiniers d’alpines. Les plus spectaculaires parmi elles sont les sabots de Vénus. On rencontre régulièrement Cypripedium himalaicum dans l’Himalaya bhoutanais tandis que C. tibeticum n’est pas du tout commun alors que C. cordigerum aux fleurs vertes et blanches est aussi assez localisé. Des touffes jusqu’à une douzaine de pieds de C. himalaicum ne sont pas exceptionnelles et en de rares occasions on peut même trouver des groupes de plusieurs douzaines de pieds… si on a beaucoup de chance ! L’orchidée épiphyte que l’on rencontre le plus fréquemment dans les forêts de brumes de l’est de l’Himalaya est la Pleione hookeriana aux fleurs roses et blanches. En raison de son comportement souvent stolonifère, elle constitue généralement des colonies de bonne taille sur les rochers couverts de mousse ou plus haut dans la canopée des arbres, largement hors d’atteinte des photographes, frustrés…

Les hautes alpines

Les défis auxquels doit faire face une plante qui pousse à haute altitude dans l’Himalaya sont nombreux et en particulier pour celles qui poussent au-dessus de 5000 m, quand on sait que la température de l’air n’excède jamais 15°C, même au coeur de l’été. Plusieurs de ces hautes alpines ont développé des moyens d’adaptation extraordinaires et parfois curieux pour survivre dans cet environnement extrêmement difficile.

L’une des plus bizarres d’entre elles est Saussurea gossypiphora assez fréquente dans une grande partie de l’Himalaya jusqu’aux cols à 5400 m d’altitude. Cette plante extrêmement velue est une proche cousine de la commune pâquerette bien que ce ne soit pas évident car ses fleurs noir

violacé sont cachées derrière un cocon de poils laineux. C’est une plante parfaitement adaptée à pousser dans des environnements rigoureux, sa couverture de poils isolante lui assurant non seulement de survivre mais aussi de se reproduire.
Rheum nobile est, évidemment, une des suprêmes plantes alpines himalayennes et cette rhubarbe géante ne correspond certainement pas à l’idée que la plupart des gens se font d’une alpine. Contrairement aux plantes qui lui sont associées, il atteint environ 1.50 m de haut et est assez fréquent dans la partie est de l’Himalaya, en particulier dans le centre du Bhoutan où il n’est pas rare de voir des centaines de plantes voire plus, pousser dans la même zone. Cette plante extraordinaire pousse dans différents habitats y compris dans les landes de rhododendrons nains, mais aussi sur les pentes rocailleuses et les bords des falaises herbeuses habituellement entre 4200 et 4600 m. Les fleurs sont couvertes par une tour de bractées d’un jaune pâle translucide qui agit de la même manière qu’une serre. Les études de botanistes japonais ont démontré que le différentiel de température entre l’intérieur et l’extérieur atteint habituellement 5 °C mais peut être de plus du double.

Rheum nobile – Demso La Bhoutan central – photo : Martin Walsh

Les autres plantes himalayennes importantes

Plutôt que de tenter l’impossible, j’ai décidé de limiter cette sélection personnelle et quelque peu arbitraire à seulement quelques genres importants que l’on trouve dans la région de l’Himalaya.

Cremanthodium

C’est l’un des membres les plus importants des Compositae (Asteraceae) dans cette région. La plupart d’entre eux sont à fleurs jaunes et sont considérés comme des pissenlits de première classe par certains. Parmi les Cremanthodium les plus adaptés au jardin, il y a les espèces alpines dont les deux plus communes sont C. decaisnei et C. reniforme légèrement plus robuste. Ils ont tous deux des fleurs jaunes pendantes avec des bractées involucrales brunes et on les rencontre le plus souvent poussant dans des endroits relativement détrempés, et même quelque fois dans l’eau courante.

Saxifraga

Selon mon expérience, c’est au Bhoutan central qu’on rencontre les meilleures formes de Saxifraga bergenioides. Celle parmi les plus distinctes

des saxifrages possède des fleurs noueuses rose violacé avec un grand calice rouge pourpre. Toutes les parties de la plante sont assez poilues ce qui n’est guère étonnant puisque c’est un membre de la section Ciliatae. Elle pousse dans une palette d’habitats allant des prairies alpines aux éboulis et même, occasionnellement, dans des endroits relativement humides. S. lychnitis appartient à la même section et a elle aussi des fleurs de forme similaire mais jaunes; cependant elle semble avoir une préférence particulière à pousser dans des endroits marécageux, souvent en association avec la brassicacée blanche Pycnoplinthopsis bhutanica qui, comme elle, est une plante relativement commune dans le centre du Bhoutan. Une des plus belles saxifrages de la section Porophyllum dans l’Himalaya est Saxifraga thiantha var. citrina à la floraison jaune pâle. Tout comme les espèces déjà citées on la trouve également dans le centre du Bhoutan mais malheureusement elle ne semble pas être en culture. Les hauts escarpements au-dessus de Om Thso et Juemep Tsho ainsi que les affleurements rocheux sur le Kheme La (4567 m) sont couverts d’une multitude de coussins de cette saxifrage dont certains sont assez âgés.

Primula

Le genre Primula est sans conteste l’un des genres les plus importants dans l’Himalaya dont on rencontre les espèces sur une énorme variation altitudinale allant de 1525 m au plus bas (P. sherriffae) au plus haut à 6100 m (P. caveana). L’une des plus prolifiques est la très parfumée P. sikkimensis qui peut souvent couvrir des hectares de prairies subalpines humides et qui est de toute évidence une espèce résistante au pâturage puisqu’elle est plus ou moins délaissée par les yaks. La couleur des fleurs varie du jaune pâle au riche jaune soufre et par expérience ces deux formes de couleur ne se rencontrent jamais dans la même population. Etonnamment, elle pousse aussi dans des régions plus sèches comme la vallée de Kharta au Tibet où elle est principalement cantonnée aux abords des ruisseaux.

Primula macrophylla est une autre primevère parfumée également à la riche floraison pourpre violet. C’est une espèce assez variable que l’on trouve aussi
bien à l’ouest qu’à l’est de l’Himalaya. Elle est assez commune sur plusieurs des hauts cols du Bhoutan central où sa floraison coïncide habituellement avec la fonte des neiges. Egalement commune au Rupin Pass (4600 m) dans
l’Himachal Pradesh, P. macrophylla var. moorcroftiana est une forme naine aux fleurs violet-mauve avec un oeil blanc et des pétales profondément dentelés. Souvent en association avec la précédente, P. megalocarpa est assez similaire à P. macrophylla et était même considérée comme une variété de celle-ci, mais elle en diffère sur plusieurs points et plus particulièrement sur la taille et la couleur des fleurs.

Primula obtusifolia est probablement la plus spectaculaire des espèces rencontrées dans l’Himachal Pradesh et semble restreinte à l’ouest de l’Himalaya d’où elle fut introduite par Ludlow & Sherriff en 1939. La couleur des fleurs varie du rose au violet pourpré, toujours avec un oeil blanc entourant un centre sombre. Les meilleurs spécimens ont été trouvés à Garuba Nullah à environ 4600m poussant principalement parmi les rochers mais aussi sous des surplombs rocheux. Ces dernières, bien protégées du mauvais temps, étaient densément couvertes de farine blanche.

Un des membres les moins connus de la section Soldanelloides, Primula umbractilis, est une endémique du Bhoutan aux fleurs parfumées en forme de trompettes variant du bleu violacé au blanc bleuté. On peut la trouver occasionnellement poussant sur des saillies moussues de parois rocheuses dans la zone de forêt avec Anemone rupicola, Meconopsis bella etc., mais en général elle pousse bien au-dessus de la limite des arbres, dans des zones terreuses sur des pentes rocailleuses abruptes et est particulièrement prolifique au Bhoutan central. En 1949, George Sherriff envoya par avion des souches en dormance de cette primevère dans une boite métallique scellée à George Taylor à Londres, qui les distribua rapidement à quelques jardiniers experts dans toute l’Angleterre. Malgré leur scepticisme, leurs plantes furent en fleurs en l’espace d’un mois!

Meconopsis

Le groupe de plantes que les gens associent le plus facilement avec l’Himalaya, c’est celui des Meconopsis couramment surnommés « pavots bleus de l’Himalaya ». Cette région est riche de nombreuses espèces différentes, lesquelles ne sont pas toutes bleues! L’un des plus grands, Meconopsis paniculata, à la floraison jaune (rarement rose) est assez répandu à l’est de l’Himalaya, et pousse jusqu’à environ 1.20m dans des habitats différents allant des flancs de collines aux clairières de forêts. Lors d’une bonne année, ce pavot peut être particulièrement prolifique et créer un spectacle de

plusieurs milliers de plantes fleurissant au même moment comme ce fut le cas à l’été 2010 dans le centre du Bhoutan.

L’un des plus répandus et certainement un des plus variables est M. horridula. Sur le Thong La au Tibet, à 5150m poussant dans des éboulis stabilisés, ce pavot bleu mesure à peine 10cm de haut; tandis qu’à une altitude plus basse, la plante est habituellement beaucoup plus robuste, mais tout aussi épineuse. On le rencontre fréquemment poussant parmi les rochers sur les pelouses alpines. Dans le centre du Bhoutan, il présente même plus de variation, notamment dans la palette de couleurs de ses fleurs qui passe par toutes les teintes de bleu, ainsi que le rose et même le rouge lesquelles poussent très près les unes des autres.

Meconopsis discigera est une plante encore plus spectaculaire. Ce pavot très distinct pousse dans les éboulis stabilisés de la région de Chomolhari à l’ouest du Bhoutan. Il est plus impressionnant avec un racème légèrement groupé jusqu’à 20 fleurs en forme de coupes d’un bleu intense, occasionnellement avec de petites touches violettes, une couleur qu’on ne retrouve pas à mon avis chez aucun des autres pavots bleus (des formes jaunes se rencontrent ailleurs dans l’Himalaya). En 2005, l’expédition AGS au Tibet dont j’étais membre découvrit une espèce proche aux fleurs marron rougeâtre poussant dans la vallée de Kangshung. Cette espèce qui n’avait pas été décrite auparavant a depuis été nommée M. tibetica par notre éditeur Christopher (Kit) Grey-Wilson.

Un des premiers objectifs de l’expédition 2008 au Bhoutan central était de trouver M. sherriffii dans les zones où Frank Ludlow l’avait découvert au cours de son expédition de 1949. Nous fûmes surpris de découvrir que ce pavot rose était une plante assez commune dans les zones où on le trouve. Il pousse typiquement sur les pentes ouvertes parmi les potentilles et les landes de genévriers avec plusieurs autres proches ou dans de vastes champs de rochers. Comme le notait Ludlow, il est absolument vivace dans la nature car la plupart des plantes avaient encore les restes des capsules de graines de l’année précédente et plusieurs touffes faisaient bien plus de 60cm d’envergure et portaient de grandes fleurs roses.

Corydalis
Il y a beaucoup d’espèces dans cette région et notamment l’une des plus convoitées de tous, Corydalis cashmeriana. Alors que bon nombre d’espèces

poussent dans les landes subalpines et les sous-bois, les espèces recherchées sont celles que l’on trouve à haute altitude et la plupart d’entre elles appartiennent à la section Latiflorae.

L’une de ces plantes est C. meifolia, une espèce vraiment répandue localisée à la fois dans les parties ouest et est de l’Himalaya et, comme on pourrait s’y attendre, elle est aussi très variable. Dans ses meilleures formes, qui ont été trouvées sur le Langma La au Tibet à 5347m, les plantes produisaient de grands racèmes de fleurs jaunes aux lèvres verdâtres, un contraste frappant avec les feuilles glauques à l’allure de feuilles de carotte d’une extrême beauté. Une superbe forme rose connue sous le nom de C. meifolia var. violacea a été découverte par Henry et Margaret Taylor dans les années 90 dans l’Himachal Pradesh.

Le très parfumé C. latiflora est souvent rencontré à très haute altitude sur les cols à 5400m et plus. Sur le Thorung La, au Népal central il pousse dans les éboulis alors que sur le Langma La au SE du Tibet, il pousse dans les poches de terre parmi les rochers. Une espèce très variable sous plusieurs aspects et dont la couleur des fleurs n’est pas le dernier, les formes népalaises incluent aussi bien celles aux fleurs blanc bleuté que rose pâle, alors que les formes tibétaines ont des fleurs mauves avec des marques vert pourpré et brun orange.

Parmi les quelques Corydalis endémiques du Bhoutan il faut citer le peu connu C. calliantha au feuillage glauque finement divisé, similaire à celui de C. meifolia. Il présente peu de variation en dehors de ses fleurs potelées portées par de courts racèmes, normalement jaunes avec des marques vertes et violacées. Cette espèce pousse dans des habitats différents au-dessus de 3800m mais principalement dans des zones de forts apports humides, et même jusqu’au bord des ruisseaux ou dans des éboulis détrempés.

 Conclusion

Chaque voyage dans l’Himalaya tourne à l’aventure d’une façon ou d’une autre. Au cours de chacune de ces expéditions on doit gérer un certain nombre de difficultés comme le mal de l’altitude, les sangsues, les températures au-dessous de zéro, les chutes de pierres, les glissements de terrain, les tempêtes de sable voire de neige et, accessoirement, des conditions de logement peu idéales, sans mentionner des routes à donner le vertige. Bien que certains de mes collègues peuvent ne pas être d’accord, la plupart de ces épreuves sont vite oubliées et ce sont les remarquables plantes et les paysages magnifiques ainsi que les rencontres avec des peuples qui vivent dans la région himalayenne qui font de ce coin du monde un endroit si fascinant à explorer. »


Texte original de Martin Walsh (traduction Alain Denis)

Plantes de basse et haute altitude dans l’Himalaya

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