Cet article est paru dans le bulletin SAJA de 1984 Tome IX- N° 97 – 33e Année Guy Rabaron
La multiplication par semis des plantes dans nos rocailles peut se révéler quelquefois décevante, en ce qu’elle ne reproduit pas toujours exactement la plante désirée par l’amateur. En effet les espèces de certains genres comme des Dianthus ou les Aquilegia peuvent s’hybrider, le fait est bien connu des Sajistes. C’est pourquoi, pour obtenir la propagation d’un même clone, on a recours à d’autres procédés.
1) Division. C’est le plus simple et le plus facile. De nobreuses plantes de rocaille forment des touffes cespiteuses qu’il est facile de séparer au printemps ou à l’automne et de replanter simplement à l’emplacement choisi. Tel est le cas pour les plantes du genre Primula, certaines Gentianes, Campanules, Dodecatheon, Mimulus, Véroniques, beaucoup de Saxifrages et Sedums. Le même procédé est également employé pour les plantes formant des stolons, des rejets ou des tiges rampantes. Pour ces dernières on peut aussi marcotter. Ces opérations se font en début de printemps, ou en fin de floraison, quand la nouvelle pisse est formée.
2) Boutures. Dans ce procédé, on sait que certaines plantes se bouturent facilement, et que d’autres demandent des soins et des précautions attentives. Dans la plupart des cas le meilleur moyen est d’opérer dans un chassi chauffé par une résistance électrique entérrée, ou dans une serre peu chauffée, ou simplement dans sa chambre (!) au moyen de ces mini-serres vendues dans le commerce. S’il n’y a que quelques boutures à faire, on recouvre le pot ou la caissette d’un sac en plastique fermé sur le pot avec 1 ou 2 élastiques et 4 bâtons de bambou dont le sommet est relié par un croisillon de fil de fer. Ainsi le sac se maintient rigide; (ne pas oublier de percer quelques trous dans le sac, sinon vos boutures moisiraient). Ne pas oublier non plus de bien drainer les pots avec des tessons ou des cailloux. Avec une telle installation, les pots peuvent rester plusieurs semaines sans être arrosés, la condensation maintenant une humidité suffisante dans la plupart des cas.
Le mélange terreux sera le suivant : 1 partie de terreau de feuilles bien décomposé + 1 partie de tourbe horticole + 1 partie de sable non calcaire (sable de Loire).
Quelles espèces peut-on bouturer, et à quelles dates ?
a) Plantes à tige molles : genre Lithospermum, Campanula, Gentiana, Limodora, Chrysanthemum, Hypericum, Aethionema, Antirhinum, Linum, Salvia, Armeria, Alyssum, Aster, Cyananthus, Edraianthus,Viola, Gypsophile, Phlox, Saponaria, Silene, Teucrium, Zauschneria. Bouturage au printemps, c’est-à-dire au moment où la pousse est active.
b) Plantes dont les pousses basales se forment en été : c’est le cas de beaucoup de plantes alpines : Arabis, Aubrietia, Iberis, Saxifrages, Dianthus, Dryas, Eodium, Geranium, Globularia, Penstemon, Sedum. Bouturage entre fin août et octobre.
c) Plantes semi-ligneuses. Elles doivent être comme on dit aoûtées, c’est-à-dire qu’il faut attendre la fin de l’automne au moment où leurs feuilles commencent à tomber et que la tige devient plus dure. Ex. : Salix, Conifères nains, Lavandula, Daphne, Fuschia.
Pour toutes ces boutures, il convient d’enlever les feuilles du bas et au besoin de couper la moitié des autres, avant d’insérer la tige en terre. Enlever les autres feuilles au fur et à mesure qu’elles jaunissent.
Combien de temps avant la reprise ? Ce temps est variable. Pour le premier groupe, il faut compter 2 à 3 semaines; pour le deuxième au moins 4 semaines, et le troisème souvent plusieurs mois.
A ce moment, repiquez en pot de 5-7 ou en chassis dans un mélange similaire ou un peu plus riche en terreau. Arrosez soigneusement, bien à l’ombre (mur au Nord) et enterrez les pots ou les terrines dans du sable ou de la tourbe. Dès ce moment, où on aura retiré le sac de plastique, surveillez la fraîcheur du compost qui doit être toujours humide, mais pas détrempé : les premières feuilles doivent commencer à apparaître. En général un arrosage hebdomadaire est suffisant.
Pour la mise en place de la nouvelle plantule, il faut attendre encore 3 ou 4 semaines, et surveiller attentivement la reprise, surtout dans les parties sèches de la rocaille, en arrosant plus ou moins suivant les conditions météorologiques. Certaines plantes comme les Daphnés devrons quelquefois attendre le printemps suivant et passer l’hiver en chassis.
3) Boutures de feuilles. Les Gesnériacées en général (Ramonda, Haberlea, Conandron), certaines Primulas du groupe Petiolaris, la plupart des Sedums, les Lachenalia (Liliacées), quelques Fougères, peuvent ainsi être multipliées. Prenez une jeune feuille bien développée avec le pétiole, insérez fermement en pot d’argile dans un mélange de tourbe et de sable à parties égales. Couvrez selon votre manière préférée. Les racines émergeront de la base du pétiole, puis un bourgeon se développera juste au-dessus, et donnera naissance à une plantule, que vous rempoterez aussitôt.
Certaines Fougères (Asplenium, Nephrolepis) peuvent aussi être multipliées en détachant une fronde adulte, que l’on piquera dans le compost de terreau mélangé de tourbe et de terre de bruyère. Avoir soin d’enfoncer le rachis suffisamment pour que la base des pinnules soit en contact avec le compost. Au bout de 1 à 2 mois, une plantule se développera au point d’intersection du rachis et des pinnules, puis elle formera des racines. Il ne restera plus qu’à détacher soigneusement la plantule et de la mettre en pot.
4) Boutures de racines. Certains auteurs préconisent ce procédé pour des plantes à racines renflées, comme Ranunculus asiaticus, Morosia monantha, Weldenia candida, Anchusa caespitosa, Verbascum, Phlox, Papaver, Geranium, Primula denticulata ou capitata. On déterre la plante en octobre-novembre et on sépare les plus grosses racines. On coupe en morceaux de 2 à 3 cm; on les place dans une terrine plate, et on enfonce le compost semblable à ceux utilisés pour les semis. Tenir en chassis froid hors gel. J’avoue n’avoir jamais essayé ce procédé.