Conservations et semis des plantes alpines

Cet article est paru dans le bulletin SAJA  de 1958 Tome II – N° 27 – 7e Année

Mlle M. HEKLOVA

Nous connaissons, pour augmenter le nombre d’individus de nos plantes alpines, deux procédés : la multiplication végétative (asexuée) suivant ses différentes méthodes (division de souche, marcottage, bouturage de rameaux, de feuilles ou même de racine) et le semi, employé le plus généralement par la nature.

La plupart des végétaux supérieurs produisent, après fécondation, des graines fertiles qui sont dispersées par le vent, les insectes, etc. Une partie de ces graines arrivent au sol, et y trouvant des conditions favorables, germent et donnent naissance à une nouvelle plante ayant généralement les mêmes caractères que ses parents.

Le transfert fidèle des caractères de la plante mère aux plantes filles s’effectue, le plus souvent, par les semences recoltées sur des plantes sauvages, dans leurs stations naturelles. Dans les jardins d’agrément et jardins botaniques où les nécessités de la décoration, de l’enseignement ou de la recherche obligent à réunir, sur un espace restreint, diverses espèces d’un même genre ayant des origines géographiques différentes, on observe parfois des variations notables dues à l’hybridation entre certaines plantes ainsi rapprochées (1).

Par exemple, plusieurs espèces de Dianthus plantées à peu de distance les uns des autres donneront de nombreuses graines hybrides; il en sera de même si l’on rapproche des Aquilegia. Ainsi, par ces cultures, les jardiniers multiplient les possibilités de croisements naturels en cultivant côte à côte des plantes qui, dans la nature, ne vivent pas au voisinage les unes des autres. Ces rapprochements d’espèces ont souvent permis aux horticulteurs d’obtenir une multitude de variétés nouvelles, plus décoratives que les espèces sauvages, qui leur ont servi de géniteurs. L’exemple des Saxifrages de la section Kabschia, très travaillées dans les « nurseries » spécialisées d’Angleterre, est particulièrement démonstratif. On ne doit donc pas employer le semis pour reproduire, semblables à elles-mêmes, des plantes horticoles d’origines hybride, les caractères n’étant pas fixés.

Par contre, si l’on n’a plus pour but de créer une collection scientifique, mais si l’on cherche à obtenir des plantes jeunes, vigoureuses et abondantes pour meubler rapidement un jardin de rocailles ou composer des masses décoratives au jardin paysager, le semis devient très précieux.

(1) Ce fait peut faire douter de l’exactitude de la nomination des semences récoltées dans certains jardins dont la réputation est cependant indispensable.

Récolte et conservation des graines

Une graine est un végétal vivant à l’état embryonnaire susceptible de conserver longtemps ou de perdre rapidement ses facultés de développement futures selon que les conditions de milieux, durant la conservation, sont favorables ou défavorables. Il faut se convaincre que la graine reste fragile et vulnérable depuis le moment de la récolte jusqu’à la germination : ainsi une cause importante d’échecs lors des semis sera éliminée.

La récolte des semences de plantes alpines est toujours délicate. On doit l’effectuer par temps sec, condition peu souvent réalisée au cours d’une longue excursion en montagne; il faut donc sécher fruits et graines dès le retour à l’aide de papier buvard, ouate, etc., et ne jamais enfouir définitivement les récoltes dans des sachets plus ou moins imperméables où se développeraient des moisissures. Ensuite étaler la récolte au soleil pendant quelques heures ou, tout au moins, laisser les sachets ouverts à leur extrémité superieure, dans un lieu très aéré; les fruits charnus (baies, drupes) exigent une dessiccation prolongée et une surveillance attentive. Les semences parasitées ou n’ayant pas atteint leur maturité complète seront éliminées. L’état de maturité est difficile à apprécier, cependant on peut admettre que, d’une façon presque générale, les fruits mûrs ont perdu leur teinte verte initiale et se colorent en jaune, brun ou gris, souvent en jaune, rouge ou noir s’ils possèdent une enveloppe charnue. Ce changement de teinte traduit nettement la phase finale du développement des fruits et par suite des semences qui, au cours des dernières semaines, ont accumulé des réserves suffisantes dans leurs tissu.

Il est souvent recommandé de conserver les graines des fruits déhiscents dans leurs gousses, capsules ou siliques; il semble que ce soit à tort. En effet, dans la nature, ces fruits laissent échapper leurs graines à complète maturité; d’autre part, la majorité des graines se trouvent libérées au bout de très peu de temps, au fond des sacs de récolte.

Dans les fruitsindéhiscents (achaines, caryopses), fruits et graines restent unis. Pour les fruits charnus, un séchage lent et progressif dans des petites boîtes de carton s’impose; la pulpe desséchée protège la graine qu’il est inutile et même nuisible de mettre à nu.

On a parfois conseillé le séchage des semences par une source de chaleur, four éléctrique par exemple. Cette opération, fort délicate, exige une surveillance constante et risque d’altérer la faculté germinative des graines, faculté qui ne résisterait pas à une température trop élevée et pour certaines graines à une dessiccation trop poussée. De plus, les enveloppes externes deviennent dures et cassantes, imperméables à l’eau (donc la germination se trouve retardée) et ne sont détruites par les microorganismes qu’après un temps assez long, ce qui ne gêne la sortie de la jeune plantule.

Dans la nature, les semences des plantes alpines ne se trouvent jamais totalement desséchées; elles s’accumulent dans les anfractuosités de rochers, dans les alpages herbeux, dans les combes à neiges où elles trouvent un humus perméable et frais.

Dès que le séchage a éliminé l’excès d’humidité, il faut placer les graines dans un local à température assez basse qui entretiendra l’état de vie ralentie jusqu’au moment du semis. Certains procédés, pour augmenter la durée de conservation du pouvoir germinatif, exigent des techniques délicates : conservation dans l’azote, dans le gaz carbonique; conservation par le froid, de préférence entre 0 et – 15°C. Seuls les grands établissements spécialisés peuvent utiliser ces méthodes. Toutefois, on peut en tirer une remarque importante et utile : la nécessité de soustraire les semences aux variations des facteurs exterieurs, principalement de la température et de l’état hygrométrique de l’air.

Pour conserver les semences dans les meilleures conditions, nous conseillons de suivre la méthode suivante : aprés séchage à l’air libre, les placer dans de petits sachets de papier soigneusement étiquetés et conserver ces sachets à l’obscurité, à l’abri des variations de température ou d’humidité. Si les graines sont très précieuses, préparer des tubes de verre, de métal ou de matière plastique, introduire au fond de ces tubes un peu de chlorure de calcium anhydre ou mieux un gel de silice qui assureront une déshydratation parfaite; au-dessus, poser un léger tampon de buvard ou d’ouate, puis placer les sachets de papier contenant les graines; enfin, fermer les tubes hermétiquement et les conserver à l’abri des variations importantes de température, par exemple dans un sous-sol ou une cave saine (2).

(2) N.D.L.D. – De bon résultats sont aussi obtenus en conservant les semences au préalable bien séchées dans des sachets thermo-soudables en feuilles métalliques ou en polyéthylène épais. Les sachets sont soudés et mis dans un local frais ou froid (de + 5° à 0°C.)

Semis

Epoques : 

Les semis s’effectuent : 

1) A l’automne et plus précisément en septembre-octobre, avant l’arrivée des mauvais jours;

2) A la fin de l’hiver, en février-mars.

Les semis plus tardifs (avril-mai) sont à déconseiller, sauf en cas de nécessité absolue, car l’évolution normale des jeunes plantules risque de souffrir des variations parfois considérables de température et de l’action desséchante des vents du Nord, souvent prolongés à cette saison.

Il a été souvent mentionné que l’enneigement des semis d’automne favorisait la germination des semences, mais aucune expérience n’a été conduite avec une rigueur scientifique suffisante pour permettre une conclusion définitive et donner une explication valable de ce fait. Citons, à ce sujet, une expérience rapportée dans la revue de l’ « Alpine-Garden Society » (1953), comparant les levées de semences de Gentiana verna, Phyteuma comosum et Androsace pyrenaica mises à germer sous différentes conditions : 

1) Sous abri :

    a) en serre alpine (avec gel mais sans neige) : bonne levée des graines en mars; 

    b) en serre chauffée électriquement, avec un minimum de 5° C (sans neige, ni gel) : bonne levée des graines en mars.

2) Sans abri : 

    a) en châssis découvert (deux ou trois recouvrements de neige dans le saison) :  mauvais résultats, sauf pour Gentiana verna;

    b) en plein air (deux ou trois recouvrements de neige dans la saison) : mauvais résultats, sauf pour Gentiana verna.

Opérations relatives au semis  :

Ce sont les méthodes employées ordinairement en horticulture. Utiliser des récipients à fond plat – terrines carrées de préférence ou de simples caissettes de bois – de dimensions telles qu’elles puissent être, sans efforts, transportées facilement (40 X 25 X 7,8 cm par exemple). Le fond de chaque terrine ou caissette sera perforé de trous nombreux que l’on recouvrira de fragments de pots cassés, puis d’un lit  de graviers bien lavés au-dessus duquel on mettra 5 cm de terreau. Ne pas remplir la terrine jusqu’au bord : réserver, à la partie supérieure, pour l’arrosage, une hauteur libre d’environ 1 cm.

Le terreau doit être léger, perméable, autant que possible neutre ou légèrement acide. Il sera constitué, par exemple : 

   – par un tier de sable cristallin de rivière.

   – un tier de terreau de feuille bien décomposé, 

   – un tier de terre franche siliceuse.

On peut fragmenter la surface à semer à l’aide d’étroites planchettes localisant les graines d’éspeces différentes mais exigeant des arrosages identiques. Bien entendu, il serait fâcheux de semer dans la même terrine des espèces dont l’époque de germination se trouverait trop éloignée dans le temps. Par exemple, on conçoit la cohabitation de plusieurs Iris, Lilium ou Scilla, mais il faudra éviter de placer côte à côte : Dianthus alpinus, Lilium martagon, Mentha requieni et Onosma stellulatum, plante ayant des exigences parfaitement opposées.

Le semis effectué, recouvrir les graines d’une faible épaisseur d’un  mélange de terreau et de sable fin, proportionnellement à leur grosseur, puis tasser legèrement et ne pas oublier d’étiqueter en mettant, soit le nom de l’espèce, soit un numéro se repportant à un répertoire. Effectuer le premier arrosage par imbibition des récipients afin que la répartition des graines ne soit pas troublée. Placer ensuite terrines ou caissettes en serre ou sous châssis garnis de sable fin dans lequel on les enfoncera presque totalement. Les récipients contenant les espèces les plus délicates seront mis à part et recouverts d’une feuille de verre protectrice. Ne pas oublier d’ombrer à l’aide de claies et surveiller l’état du terreau : il ne doit jamais se dessécher complètement. Enfin, quelques arrosages à pomme fine et bassinages en fin de journée assureront la permanence de l’état hygrométrique favorable à une bonne germination.

Gentiana cruciata
Conservations et semis des plantes alpines

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