Croissance et age de quelques plantes de montagne

  • Cet article est paru dans le bulletin SAJA  de 1955 N° 15 4e Année

J.M. et F. TURMEL

Il est connu de tout le monde que les plantes poussent très peu en montagne et les experiences de G. Bonnier, entre autres, sont là pour donner des précisions quant à la valeur de cette croissance; cependant, il existe peu de données relatives à l’age de ces plantes. Au cours d’un précédent travail, l’un de nous avait déjà montré quelle pouvait être la vitesse de croissance de sept espèces ainsi que l’âge approximatif des rameaux les plus importants.

Nous donnerons ici pour neuf autres espèces (et deux déja étudiées) la vitesse de croissance et lâge de quelques rameaux, en insistant sur Globularia nana, dont les tiges présentent une structure très particulière.

Deux méthodes ont été employées pour déterminer la vitesse de croissance des sujets étudiés : la première consiste à mesurer la longueur total d’un rameau et à la diviser par le nombre d’années que l’on détermine en comptant les anneaux de croissance annuelle sur des coupes transversales à la base des rameaux; la deuxième en mesurant la longueur des pousses annuelles le long des tiges lorsque les cicatrices des écailles protectrices des bourgeons sont bien visibles. La première méthode est parfois susceptible d’imprécision quand il y a eu de fréquentes brisures des rameaux.

Nous rappellerons tout d’abord les résultats déja obtenus. Sur ces sept espèces, vivant à 2000 m au sommet du pic Sagette, dans la haute vallée d’Ossau (B.P.), (Rhododendron ferrugineum, Empetrum nigrum, Arcostaphylos uva-ursi, Dryas octopetala, Cotoneaster vulgaris, Salix pyrenaica, Salix reticulata), seule deux espèces ont une croissance moyenne annuelle de plus de 5 cm ! C’est Arcostaphylos uva-ursi (6 cm) et Cotoneaster vulgaris, dont certains rameaux sont très privilégiés puisqu’ils peuvent avoir des croissances de 8,2 cm en moyenne. Mais ordinairement la croissance est de 2 cm par an : Rhododendron ferrugineum, Empetrum nigrum, Dryas octopetala, Salix pyrenaica et Salix reticulata n’ont annuellement qu’une croissance de 0,9 cm environ, cependant certains rameaux de S. pyrenaica ont des allongements de près de 4 cm, les autres branches de la plante restant courtes.

Dans la présente note, les onze espèces proviennent encore du sommet de la Sagette de Buzy, vers les 2000 m dans la vallée d’Ossau. Les deux espèces étudiées à nouveau montrent des croissances très semblables à celles trouvées précédemment; une coupe à la base d’une tige de Dryas octopetala d’environ 45 cm de long donne un âge de 42 ans; cette coupe souligne la forme curieuse de la tige dont les parties anciennes se délitent activement. Il est surtout à remarquer la position tout à fait excentrique de l’axe de la tige jeune située dans une région presque complètement morte et au contraire la croissance considérable des couches ligneuses successives dans une seule direction. La figure N°1 met bien en évidence le phénomène de très inégale croissance des différentes parties du méristème; la croissance ne s’est faite au début que dans une seule direction puis, par suite de l’existence de nouveaux points où les divisions de l’assise libéro-ligneuse se sont presque arrêtées, cette tige a pris une forme ailée très curieuse; elle correspond à une plaque d’environ 20 cm de large sur 30 de long au maximum. Les exfoliations de l’écorce ne permettent pas de déterminer les croissance successives annuelles, mais on peut mesurer la croissance de l’année en cours, ce qui donne trois centimètres comme ce que l’on avait trouvé précédemment.

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La figure N°2 montre la complexité d’un pied de Salix reticulata; ce sujet est vu par la face inférieure; seules les racines plongent dans le sol; toutes les tiges sont couchées à la surface de la terre. Les coupes faites à différentes distances de l’extrémité des tiges montrent des croissances très différentes suivant les années : on peu estimer que cette plante a environ 30 ans; l’on a trouvé ainsi 27 ans pour une branche de 35 cm; 22 ans pour 32 cm; 20 ans pour 17 cm; 18 ans pour 10 cm; 7 ans pour 5 cm et 2 ans pour une pousse de 2 cm, ce qui donne une croissance moyenne de 1,3 cm légèrement supérieure à celle trouvée précédemment. La courbe en trait gras du graphique (fig. N°3), établie à partir de 65 mesures provenant d’autres individus, montre des croissances nettement plus faibles puisque la moyenne de ces croissances annuelles oscille autour de 0,8 cm. D’autres mesures devront être faites pour voir si ces différences sont dues soit aux méthodes d’estimation de l’âge et des croissances, soit au contraire à des différences individuelles ou à des conditions écologiques particulières.

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Pour deux autres plantes nous avons pu également étudier les croissances annuelles : Daphnae cneorum et Juniperus nana.

Grâce aux cicatrices foliaires extrêmement bien visibles sur Daphnae cneorum, on peut arriver à distinguer la croissance des dix dernières années sur un même rameau; 61 mesures ont été faites : elles donnent une moyenne de 2,4 cm par an avec un minimum de 16 mm et un maximum de 30 mm. La valeur pour 1953 est faible par la suite de la date de la cueillette de l’échantillon (au début de l’été), la croissance n’étant pas encore terminée pour l’année. Des estimations de l’âge de certains rameaux montrent, ordinairement, des croissances analogues. C’est ainsi qu’une tige de 34 cm de long avait 18 ans; de 31 cm, 17 ans; de 29 cm, 10 ans; de 26 cm, 7 ans et de 16 cm, 6 ans. Les traces foliaires du Juniperus nana sont beaucoup moins visibles et l’on ne peut évaluer les croissances annuelles que sur six années consécutives; 60 mesures ont été faites donnant en moyenne 1,9 cm de croissance annuelle; cette croissance semble plus régulière puisque les moyennes annuelles des croissances ne varient qu’entre 2,2 cm et 1,7 cm (en laissantg de côté la valeur de la croissance de 1953). Sur une branche de 1,1 cm de diamètre et de 55 cm de long on a pu compter 22 anneaux concentriques, alors que pour une branche de 45 cm et de 7 mm de diamètre, l’âge n’est plus que de 14 ans.

La longueur et l’âge de 13 rameaux d‘Arctostaphylos alpina ont été déterminés et comparés. Les résultats indiquent une croissance d’environ 1 cm par an, certaines branches poussant plus rapidement que d’autres (40 cm : 35 ans – 21 cm : 18 ans) ou plus lentement (20 cm : 26 ans – 18 cm : 29 ans); en moyenne on peut donc dire que pour cette plante l’âge d’un rameau est égal à son nombre de centimètres.

De même pour Rhamnus alpina la croissance semble n’être que d’un centimètre par an puisque l’on a pour une longueur de 14 cm des rameaux de 13 ans d’âge. Une détermination de l’âge d’un rameau de Sorbus chamaemespilus donne 15 ans pour un rameau de 25 cm, ce qui correspond à une croissance d’environ 1,5 cm par an.

Une étude assez poussée a été faite sur plusieurs échantillons de Globularia nana. Il est toujours très difficile de récolter de longs rameaux car l’on constate qu’au bout d’un certain nombre d’années les parties les plus anciennes des vielles branches se délitent peu à peu. Le dessin (fig. N°4) donne l’aspect général du fragment étudié avec l’emplacement des coupes, le fond hachuré correspond à l’enchevêtrement de toutes les petites tiges, extrêmement contournées, entrelacées les unes avec les autres et garnies de feuilles; certains détails pour des parties terminales, sont seuls figurés. La base de ce rameau (7 cm de long) permet de voir cependant : 42 couches très nettes, une quinzaines peu nécrosées et environ 15 autres très nécrosées, ce qui oblige à donner à cette branche 72 ans d’âge au minimum. Sur cette première coupe (fig. N° 5A) on voit que la croissance s’est faite uniquement sur un côté du cylindre central et que ce n’est qu’un seul segment de l’assise libéro-ligneuse qui a donné assez régulièrement de nouveaux tissus, mais il n’est pas du tpout prouvé que la partie la plus ancienne, où les tissus sont les plus nécrosés, est le cylindre central primitif; cela peut très bien n’être qu’une petite partie d’une ancienne assise génératrice comme cela se voit sur la deuxième coupe (fig. N°5B) qui correspond à une branche de 50 ans environ (4,1 cm). Sur cette branche, la croissance qui s’était faite régulièrement suivant un arc de cercle de plus en plus large s’est arrêtée en son milieu et de chaque côté la croissance a continué de plus belle; c’est ainsi que l’on compte 10 ans de tissus sains et environ 40 ans de tissus qui sont déjà en passe de se décomposer. La figure schématique N°6 montre la coupe d’une tige de 13 ans (7 mm de long) avec son écorce très abondante possédant des parties lignifiées qui s’exfolient peu à peu.

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Les plantes que nous venons d’examiner avaient des parties aériennes pérennantes et c’est sur ces organes que l’âge a pu être déterminé; tout au contraire les trois plantes qui nous restent à étudier ici ont des organes aériens très fugitifs et c’est sur les parties souterraines que nous pourrons compter leur âge, l’on est en effet en présence d’hémicryptophytes.

L’Aster alpinus possède un ensemble de tiges légèrement obliques dans le sol et ramifiées; la plante ayant environ une quinzaine de rosettes foliaires d’où partent des hampes florales de 15 cm de haut environ; quand on recherche l’âge de ces tiges souterraines on arrive à une quinzaine d’années pour environ 9 cm de long et c’est ainsi que l’on a 14 ans pour une tige de 8 cm; 11 ans pour 7 cm; 8 ans pour une tige de 4,5 cm.

L’Helianthemum canum a le même type d’organes souterrains; mais il semble que la croissance, toujours faible, soit assez variable d’un pied à l’autre puisque nous avons pu trouver : 23 ans pour une tige souterraine de 7 cm de long et d’autre part 19 ans seulement pour une autre tige de 11 cm. Cela donne respectivement des croissances annuelles, soit de 3 mm, soit de 5,7 mm !

Trois mesures ont été effectuées sur les rhizomes de Globularia cordifolia dont certains auteurs font dériver G. nana (simple variété) alors qu’il faut à notre avis la considérer comme une bonne espèce. Là le type d’organes souterrains est un peu différent puisque les tiges souterraines des espèces précédentes partaient toutes d’un pivot central, plus ou moins bien conservé mais visible alors que là l’on est en présence que d’un lacis de rhizomes entrelacés qui se ramifient en tous sens; des mesures de croissance indiquent environ un allongement annuel de trois millimètre, longueur que l’on retrouve entre les cicatrices des différentes rosettes foliaires. L’âge évalué sur trois échantillons donne comme valeurs 14 ans pour un rhizome de 8 cm; 11 ans pour 7 cm et 8 ans pour 4,5 cm.

Ces quelques résultats confirment ceux qui avaient été publiés antérieurement : aux environs de 2000 m la croissance des plantes alpines est extrêmement faible et, par suite, leur développement très réduit. Chouard avait déjà montré que les éboulis, dans la région des Pyrénées centrales, se colonisaient à la vitesse de 1 cm par an; l’un de nous a trouvé semblable progression dans la haute vallée d’Ossau. Cela pose un problème très grave ce qui concerne la recolonisation des surfaces errodées, par exemple autour des travaux de construction des grands barrages.

Ceci oblige nécessairement à « aider la nature » si nous voulons un jour revoir ces dévastations en partie masquées ! Ne pourrait-on pas, par exemple,créer des services compétents auprès des grandes entreprises afin de leur donner des directives nécessaires pour les aider à amorcer, par des plantes adéquates, la recolonisation des surfaces mises à nu.

Conservations et semis des plantes alpines

Cet article est paru dans le bulletin SAJA  de 1958 Tome II – N° 27 – 7e Année

Mlle M. HEKLOVA

Nous connaissons, pour augmenter le nombre d’individus de nos plantes alpines, deux procédés : la multiplication végétative (asexuée) suivant ses différentes méthodes (division de souche, marcottage, bouturage de rameaux, de feuilles ou même de racine) et le semi, employé le plus généralement par la nature.

La plupart des végétaux supérieurs produisent, après fécondation, des graines fertiles qui sont dispersées par le vent, les insectes, etc. Une partie de ces graines arrivent au sol, et y trouvant des conditions favorables, germent et donnent naissance à une nouvelle plante ayant généralement les mêmes caractères que ses parents.

Le transfert fidèle des caractères de la plante mère aux plantes filles s’effectue, le plus souvent, par les semences recoltées sur des plantes sauvages, dans leurs stations naturelles. Dans les jardins d’agrément et jardins botaniques où les nécessités de la décoration, de l’enseignement ou de la recherche obligent à réunir, sur un espace restreint, diverses espèces d’un même genre ayant des origines géographiques différentes, on observe parfois des variations notables dues à l’hybridation entre certaines plantes ainsi rapprochées (1).

Par exemple, plusieurs espèces de Dianthus plantées à peu de distance les uns des autres donneront de nombreuses graines hybrides; il en sera de même si l’on rapproche des Aquilegia. Ainsi, par ces cultures, les jardiniers multiplient les possibilités de croisements naturels en cultivant côte à côte des plantes qui, dans la nature, ne vivent pas au voisinage les unes des autres. Ces rapprochements d’espèces ont souvent permis aux horticulteurs d’obtenir une multitude de variétés nouvelles, plus décoratives que les espèces sauvages, qui leur ont servi de géniteurs. L’exemple des Saxifrages de la section Kabschia, très travaillées dans les « nurseries » spécialisées d’Angleterre, est particulièrement démonstratif. On ne doit donc pas employer le semis pour reproduire, semblables à elles-mêmes, des plantes horticoles d’origines hybride, les caractères n’étant pas fixés.

Par contre, si l’on n’a plus pour but de créer une collection scientifique, mais si l’on cherche à obtenir des plantes jeunes, vigoureuses et abondantes pour meubler rapidement un jardin de rocailles ou composer des masses décoratives au jardin paysager, le semis devient très précieux.

(1) Ce fait peut faire douter de l’exactitude de la nomination des semences récoltées dans certains jardins dont la réputation est cependant indispensable.

Récolte et conservation des graines

Une graine est un végétal vivant à l’état embryonnaire susceptible de conserver longtemps ou de perdre rapidement ses facultés de développement futures selon que les conditions de milieux, durant la conservation, sont favorables ou défavorables. Il faut se convaincre que la graine reste fragile et vulnérable depuis le moment de la récolte jusqu’à la germination : ainsi une cause importante d’échecs lors des semis sera éliminée.

La récolte des semences de plantes alpines est toujours délicate. On doit l’effectuer par temps sec, condition peu souvent réalisée au cours d’une longue excursion en montagne; il faut donc sécher fruits et graines dès le retour à l’aide de papier buvard, ouate, etc., et ne jamais enfouir définitivement les récoltes dans des sachets plus ou moins imperméables où se développeraient des moisissures. Ensuite étaler la récolte au soleil pendant quelques heures ou, tout au moins, laisser les sachets ouverts à leur extrémité superieure, dans un lieu très aéré; les fruits charnus (baies, drupes) exigent une dessiccation prolongée et une surveillance attentive. Les semences parasitées ou n’ayant pas atteint leur maturité complète seront éliminées. L’état de maturité est difficile à apprécier, cependant on peut admettre que, d’une façon presque générale, les fruits mûrs ont perdu leur teinte verte initiale et se colorent en jaune, brun ou gris, souvent en jaune, rouge ou noir s’ils possèdent une enveloppe charnue. Ce changement de teinte traduit nettement la phase finale du développement des fruits et par suite des semences qui, au cours des dernières semaines, ont accumulé des réserves suffisantes dans leurs tissu.

Il est souvent recommandé de conserver les graines des fruits déhiscents dans leurs gousses, capsules ou siliques; il semble que ce soit à tort. En effet, dans la nature, ces fruits laissent échapper leurs graines à complète maturité; d’autre part, la majorité des graines se trouvent libérées au bout de très peu de temps, au fond des sacs de récolte.

Dans les fruitsindéhiscents (achaines, caryopses), fruits et graines restent unis. Pour les fruits charnus, un séchage lent et progressif dans des petites boîtes de carton s’impose; la pulpe desséchée protège la graine qu’il est inutile et même nuisible de mettre à nu.

On a parfois conseillé le séchage des semences par une source de chaleur, four éléctrique par exemple. Cette opération, fort délicate, exige une surveillance constante et risque d’altérer la faculté germinative des graines, faculté qui ne résisterait pas à une température trop élevée et pour certaines graines à une dessiccation trop poussée. De plus, les enveloppes externes deviennent dures et cassantes, imperméables à l’eau (donc la germination se trouve retardée) et ne sont détruites par les microorganismes qu’après un temps assez long, ce qui ne gêne la sortie de la jeune plantule.

Dans la nature, les semences des plantes alpines ne se trouvent jamais totalement desséchées; elles s’accumulent dans les anfractuosités de rochers, dans les alpages herbeux, dans les combes à neiges où elles trouvent un humus perméable et frais.

Dès que le séchage a éliminé l’excès d’humidité, il faut placer les graines dans un local à température assez basse qui entretiendra l’état de vie ralentie jusqu’au moment du semis. Certains procédés, pour augmenter la durée de conservation du pouvoir germinatif, exigent des techniques délicates : conservation dans l’azote, dans le gaz carbonique; conservation par le froid, de préférence entre 0 et – 15°C. Seuls les grands établissements spécialisés peuvent utiliser ces méthodes. Toutefois, on peut en tirer une remarque importante et utile : la nécessité de soustraire les semences aux variations des facteurs exterieurs, principalement de la température et de l’état hygrométrique de l’air.

Pour conserver les semences dans les meilleures conditions, nous conseillons de suivre la méthode suivante : aprés séchage à l’air libre, les placer dans de petits sachets de papier soigneusement étiquetés et conserver ces sachets à l’obscurité, à l’abri des variations de température ou d’humidité. Si les graines sont très précieuses, préparer des tubes de verre, de métal ou de matière plastique, introduire au fond de ces tubes un peu de chlorure de calcium anhydre ou mieux un gel de silice qui assureront une déshydratation parfaite; au-dessus, poser un léger tampon de buvard ou d’ouate, puis placer les sachets de papier contenant les graines; enfin, fermer les tubes hermétiquement et les conserver à l’abri des variations importantes de température, par exemple dans un sous-sol ou une cave saine (2).

(2) N.D.L.D. – De bon résultats sont aussi obtenus en conservant les semences au préalable bien séchées dans des sachets thermo-soudables en feuilles métalliques ou en polyéthylène épais. Les sachets sont soudés et mis dans un local frais ou froid (de + 5° à 0°C.)

Semis

Epoques : 

Les semis s’effectuent : 

1) A l’automne et plus précisément en septembre-octobre, avant l’arrivée des mauvais jours;

2) A la fin de l’hiver, en février-mars.

Les semis plus tardifs (avril-mai) sont à déconseiller, sauf en cas de nécessité absolue, car l’évolution normale des jeunes plantules risque de souffrir des variations parfois considérables de température et de l’action desséchante des vents du Nord, souvent prolongés à cette saison.

Il a été souvent mentionné que l’enneigement des semis d’automne favorisait la germination des semences, mais aucune expérience n’a été conduite avec une rigueur scientifique suffisante pour permettre une conclusion définitive et donner une explication valable de ce fait. Citons, à ce sujet, une expérience rapportée dans la revue de l’ « Alpine-Garden Society » (1953), comparant les levées de semences de Gentiana verna, Phyteuma comosum et Androsace pyrenaica mises à germer sous différentes conditions : 

1) Sous abri :

    a) en serre alpine (avec gel mais sans neige) : bonne levée des graines en mars; 

    b) en serre chauffée électriquement, avec un minimum de 5° C (sans neige, ni gel) : bonne levée des graines en mars.

2) Sans abri : 

    a) en châssis découvert (deux ou trois recouvrements de neige dans le saison) :  mauvais résultats, sauf pour Gentiana verna;

    b) en plein air (deux ou trois recouvrements de neige dans la saison) : mauvais résultats, sauf pour Gentiana verna.

Opérations relatives au semis  :

Ce sont les méthodes employées ordinairement en horticulture. Utiliser des récipients à fond plat – terrines carrées de préférence ou de simples caissettes de bois – de dimensions telles qu’elles puissent être, sans efforts, transportées facilement (40 X 25 X 7,8 cm par exemple). Le fond de chaque terrine ou caissette sera perforé de trous nombreux que l’on recouvrira de fragments de pots cassés, puis d’un lit  de graviers bien lavés au-dessus duquel on mettra 5 cm de terreau. Ne pas remplir la terrine jusqu’au bord : réserver, à la partie supérieure, pour l’arrosage, une hauteur libre d’environ 1 cm.

Le terreau doit être léger, perméable, autant que possible neutre ou légèrement acide. Il sera constitué, par exemple : 

   – par un tier de sable cristallin de rivière.

   – un tier de terreau de feuille bien décomposé, 

   – un tier de terre franche siliceuse.

On peut fragmenter la surface à semer à l’aide d’étroites planchettes localisant les graines d’éspeces différentes mais exigeant des arrosages identiques. Bien entendu, il serait fâcheux de semer dans la même terrine des espèces dont l’époque de germination se trouverait trop éloignée dans le temps. Par exemple, on conçoit la cohabitation de plusieurs Iris, Lilium ou Scilla, mais il faudra éviter de placer côte à côte : Dianthus alpinus, Lilium martagon, Mentha requieni et Onosma stellulatum, plante ayant des exigences parfaitement opposées.

Le semis effectué, recouvrir les graines d’une faible épaisseur d’un  mélange de terreau et de sable fin, proportionnellement à leur grosseur, puis tasser legèrement et ne pas oublier d’étiqueter en mettant, soit le nom de l’espèce, soit un numéro se repportant à un répertoire. Effectuer le premier arrosage par imbibition des récipients afin que la répartition des graines ne soit pas troublée. Placer ensuite terrines ou caissettes en serre ou sous châssis garnis de sable fin dans lequel on les enfoncera presque totalement. Les récipients contenant les espèces les plus délicates seront mis à part et recouverts d’une feuille de verre protectrice. Ne pas oublier d’ombrer à l’aide de claies et surveiller l’état du terreau : il ne doit jamais se dessécher complètement. Enfin, quelques arrosages à pomme fine et bassinages en fin de journée assureront la permanence de l’état hygrométrique favorable à une bonne germination.

Gentiana cruciata

Les genets au jardin alpin

Cet article est paru dans le bulletin SAJA  de 1961 Tome III -N° 39-10è Année

V. CHAUDUN

Parmi les molle ressources offertes par la nature et la maîtrise des horticulteurs, peu de genres offrent au jardinier et au paysagiste une telle brillance monochrome et une telle abondance de fleurettes que nos genêts.

Genêts de France, genêts d’Europe, taches lumineuses de nos talus de chemins de fer, de nos routes, des clairières de nos bois, des orées de nos forêts, combien vous attirez et flattez nos regards et combien il eût été dommage que certains de vos frères n’eussent pas contribué à fleurir nos rocailles !

Les genêts dans le sens large, comprennent évidemment le genre Genista, mais aussi des plantes des genres Cytisus et Adenocarpus.

Les genêts vrais sont des arbustes plus ou moins élevés à tiges généralement grêles, à branches opposées, à feuilles caduques ou semi-persistantes, généralement alternes, parfois opposées, simple ou trifoliées à petites stipules. Fleurs en grappes terminales ou axillaires, jaunes, rarement blanches. Gousse linéaire-oblongue, quelquefois subglobuleuse, à multiples graines. Ils se ditinguent des Cytises par leurs graines non caronculées (*), par leurs organes épineux et les pétales de leurs fleurs libres, et des Adénocarpes par leurs branches opposées et leurs fruits non glanduleux.

Genêts proprement dits : GENISTA

Genista delphinensis Verlot.

Petit arbuste de 10-15 cm, non épineux, tiges grêles, suffrutescentes, prostrées-radicantes à rameaux courts, divariqués, velus, ailés. Fleurs jaune pâle par 2-3 à calice velu. Gousse linéaire à 3-6 graines. C’est un G. sagittalis de dimention réduite dont les stations naturelles sont les rochers calcaires de la Drôme et des Pyrénées orientales.

(*) Caroncule, sorte d’appendice plus ou moins charnu, ressemblant à une arille, entourant le hile de certaines graines (le Ricin, par exemple.)

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Genista hispanica L.

Petit arbuste à ramure dense ne dépassant guère 30 c, à nombreuses et minces épines.  Feuilles ovales-lancéolées de 1 cm de long, pubescentes. Fleurs par 2-12, ombelliformes,                     en glomérules terminales en mai-juin, à calice pubescent. Gousse petite (10 mm), glabre,à 1-2 grianes. Rochers et pelouses calcaires du Languedoc, de la Provence et de l’Italie.                                                                                                                                                                                                    

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Genista horrida D.C.

Arbrisseau de 20-35 cm ressemblant à Erinacea anthyllis, très touffu, très épineux, à rameaux vert glauque, striés, arrondis. Feuilles trifoliolées, opposées, à folioles linéaires, pubescentes. Fleurs jaune brillant, solitaires ou géminées, terminales et disposées en corymbe en juillet-août. Calice velu. Gousse de 10-20 mm, ovale à 1-4 graines. Rochers calcaires du Midi, Pyrénées et Espagne. Plante de terrain sec et ensoleillé.

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Genista januensis Viv. Low. = G. triquetra Waldst. & Kit.

Tiges triangulaires d’une vingtaine de cm de haut, couchées puis ascendantes à feuilles vert luisant, à bord transparent; stipules spinescentes. Fleurs très nombreuses, jaune brillant, en courtes grappes, en mars-juin. Gousse oblongue glabre, 3-8 graines. Sud-Européen, Italie.

Genista lydia Boiss.

Petite forme buissonnante de 40-50 cm, avec des branches couchées puis ascendantes, glabres. Feuilles lancéolées (5-10 mm). Fleurs terminales en grappes, jaune beurré clair, en mai-juin. Balkans, Proche-Orient.

Genista pulchella G.G. = G. villarsii Clément.

Arbrisseau tortueux, prostré ou érigé, 10-15 cm, à rameaux devenant spinescents à leur sommet en viellissant. Jeunes pousses sillonnées, tomenteuses.

Feuilles simples, linéaires, velues, sans stipules. Fleurs jaune clair brillant en juin-juillet, en courtes grappes feuillées. Calice velu. Gousse (12-15 mm) bosselée, velue, à 2-4 graines. Lieux montueux, arides et calcaires de Provence et du Languedoc, Yougoslavie. Très belle petite plante.

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Genista radiata Scop.

Arbuste de 80 à 90 cm de haut, très branchu, plus ou moins arrondi, à rameaux verticillés-radiants à chaque noeud. Feuilles opposées, courtement pétiolées, trifoliées; folioles linéaires à ppils soyeux. Fleurs en glomérules terminales par 2-7, de couleur jaune, en mai-juillet. Gousse ovale, courbée, pileuse, 2-3 graines.Bois calcaires. Sud de la France, du Rhône à la Thessalie.

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Genista sagittalis L. 

Plante sufrutescente, non épineuse, gazonnante à tiges radicantes de 10-40 cm, à rameaux redressés, érigés, comprimés tri-ailés sur les mérithalles, arrondis aux noeux. Feuilles oblongues de 2 cm environ, à molle pilosité, sans stipules. Nombreuses fleurs, grandes, 12-15 mm, en grappes terminales et denses, à calice velu, de mai à juillet. Gousse bosselée, apiculée, velue, 15-20 cm, à 3-6 graines. Bois, talus herbeux de France et Europe.

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Genista tinctoria L.

 – var. alpestris Bertol. Forme procombante à rameaux fins, à feuilles linéaires, vert brillant. Gousse glabre ou glabrescente;

 -var. humilior Schneider = G. mantica Pollini. Ressemble au précédent mais ses gousses sont velues-soyeuses.

genistatinctoriafabaceae

Genista tinctoria L. type

Faux Genêts = Cytises : CYTISUS

Cytisus ardoinii Fournier.

Arbuste decombant, branches alternes, rameaux pentagones de 20 cm et plus de hauteur, à ramure légère, velue. Folioles linéaires obovales de 8 mm, pétiolées. Fleurs par 1-3, jaune d’or, avril-juin; calice velu. Gousse comprimée de 2 cm de long à deux graines. Sud-Est de la France.

De C. ardoinii X C. purgans est né C. X beanii Nichols., arbuste procombant à feuilles caduques, à branches imbriquées de 50 cm de haut. feuilles simples, linéaires-lancéolées, velues. Fleurs axillaires, solitaires ou groupées, jaune soutenu; calice campanulé. Obtenu aux jardins de Kew (Angleterre);

et de C. ardoinii X C. albus : C. X kewensis Bean, arbuste procombant, tiges de 30 cm de haut. Feuilles du sommet simples, les autres trifoliées linéaire-oblongues, pubescentes. Fleurs jaune-crème, axillaires, groupées par 2-3, très abondantes. Obtenu également aux jardin de Kew.

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Cytisus dalmatica Bartl. = C. sylvestris var. pungens Vis. « Genêt de Dalmatie ».

Buisson épineux, compact, très florifère, d’une vingtaine de cm de haut, branches velues. Feuilles alternes, simples, linéaires, pubescentes, de 8-10 mm de long. Fleurs en grappes terminales à corolle jaune brillant, à calice velu, en juin-juillet. Gousse arrondie, velue. Très jolie plante exigeant des terrains perméables. Ouest de la Péninsule balkanique.

Cytisus decumbens Spach. = Genista decumbens G.G. = Genista prostrata Lamk.

Petit arbuste à feuilles caduques, prostrées, bourgeons velus. Feuilles simples, sessiles, pileuses. Fleurs solitaires par paires ou en glomérules triflores axillaires, jaune brillant, à calice campanulé velu, en mai-juin. Rameaux feuillés jusqu’au sommet. Gousse de 25-30 mm, velue. France, Europe.

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Cytisus procumbens Spreng. Taller.

Arbuste procombant aux branches imbriquées de 50-60 cm de long. Feuilles pétiolées, simples, obovales, pubescentes, appressées. Fleurs abondantes, solitaires, géminées ou par trois, jaune uniforme; calice campanulé, pubescent, de mai à juillet. Gousse de 25 mm, plus large que longue. Se différencie de C. decumbens par ses feuilles pétiolées et pubescentes. Sud-Est de l’Europe, Hongrie.

Cytisus pupureus Scop. « Genêt pourpre ».

Arbuste procombant à branches atteignant 50 cm, glabres. Feuilles trifoliées, 5-25 mm, vert foncé. Fleurs axillaires, solitaires ou groupées par 2-3, pourpres; calice pubescent, tubulaire, mai-juin. Gousse de 3 cm environ, glabre. Italie du Nord et Sud de l’Autriche.

Il existe des formes blanches, blanc-rosé, pourpre foncé et un clone à rameaux érigés : ‘Erectus’ Kirchn.

Cytisus scoparius Lk. = Arothamnus scoparia Wimm. « Genêt à balais ».

 Arbuste dressé de 1 à 2 m, à branches minces, vertes, pubescentes étant jeunes. Feuilles caduques, trifoliées, pétiolées, lancéolées à pubescence appressées sur les jeunes feuilles. Fleurs axillaires solitaires ou par paires,   jaune brillant; calice campanulé uni, en mai-juin. Gousse jusqu’à 4 cm,   velue surtout sur les bords. Sols siliceux. Europe. 

Ce type, qui n’a guère sa place au jardin alpin, a par contre engendré le plus beau des Genêt d’origine française : le clone ‘Andreanus’ Dipp., à fleurs jaune cramoisi, qui fut découvert dans un champ de Genêts en Normandie, en 1886, emporté et transplanté dans son jardin par M. Puissant, ami d’Edouad André, le célèbre Jardiniste.

Une forme à rameaux est maintenant commercialisée et peut être adoptée par le jardin de rocailles. C’est une plante de terrains siliceux à greffer sur Laburnum anagyroides pour sa culture en terrain calcaire. 

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Faux Genêt = Adénocarpe : ADENOCARPUS

Adenocarpus complicatus G.G.

Arbuste atteignant 2 m, aux rameaux gracieusement élancés,glabrescents, à feuilles caduques ou semi-persistantes foliolées, pubescentes en dessous. Fleurs de 8-10 mm, en grappes allongées terminales. Corolle de couleur jaune d’or à calice pubescent, glanduleux. Gousse bosselée, très glanduleuse chez le type. Floraison de mai à septembre.

Coteaux siliceux de l’Ouest au Jura français et jusqu’en Syrie. Belle plante pour les grandes rocailles ou les talus ensoleillés.

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                                        ***

Arbuste de culture généralement facile dans leur terrain d’éléction.

Multiplication : 

par semis au printemps, de préférence en pots; ne pas briser les mottes au moment de la transplantation (règle qui d’ailleur est à observer d’une manière générale pour les Légumineuses);

par bouturage de pousses semi-herbacées en serre à multiplication ou sous cloche;

par greffage : 

  – des cultivars sur le type,

  – des formes calcifuges sur les espèces calcicoles des genres voisins,

  – on peut également greffer sur Ajonc (Ulex europaeus), en fente ou en demi-fente, le sujet étant élevé en pot, puis mis sous cloche à froid.

Les plantes en coussinet

* = cushion-plants (angl.); Polsterpflanzen (all); pulvinatus (latin)

Cet article est paru dans le bulletin SAJA  de 1964 Tome IV – N° 49 – 13e Année

R. RUFFIER-LANCHE

Comme toute classification, celle des plantes peut se faire à partir de critères très variés. Depuis Linné, dont une grande partie du « système » a d’ailleurs été bien vite abandonnée comme trop artificielle, la systématique des végétaux se fonde essentiellement sur les caractères tirés de l’inflorescence ou de ce qui en tient lieu, car ces caractères, plus « intimes », sont considérés comme moins variables et moins soumis aux influences exterieures que ceux des autres organes de la plante.

Les végétaux peuvent toutefois se classer de bien d’autres manières : 

  – d’après leur écologie : plantes d’endroits humides ou secs, d’ombre ou de soleil, de climats chauds ou froids, etc.;

  – d’après leur physiologie ;

  – d’après leur chimisme ;

  – d’après leur dispertion dans le monde, et c’est la phytochorologie ; 

  – d’après les zones et les étages climatiques où ils se rencontrent, et c’est la phytogéogrphie ;

  – d’après les groupements qu’ils constituent, et c’est la phytosociologie…

Il ne faut cependant pas perdre de vue que toute classification d’êtres vivants est obligatoirement un peu arbitraire, la « Nature » ignorant les catégories bien définies : toute systématique est toujours un lit de Procuste.

Les amateurs de plantes, qui ne sont pas toujours des botanistes, ont volontiers tendance à les classer d’après la couleur de leurs fleurs, ou l’aspect de leur végétation : arbres, herbes, plantes bulbeuses ou assimilées, etc.

Cette dernière façon de classer les végétaux, d’après leur forme biologique, est très intéressante et très utile. Et les botanistes, qui sont parfois aussi des amateurs de plantes, s’en sont occupés. L’un des premiers à proposer une classification rationnelle de ce point de vue fut Raunkiaer, dont les principes généraux et le vocabulaire sont devenus classiques, au sens précis du mot.

LA CLASSIFICATION BIOLOGIQUE DES PLANTES ( GEOGRAPHIE).

Après avoir, dans un grand nombre de régions, classé les espèces rencontrées d’après leur forme biologique, on s’est aperçu que, suivant les climats, le pourcentage des différents types était très variable.

Ce pourcentage, appelé « spectre biologique », se retrouve sensiblement le même dans des régions très éloigniées géographiquement, mais présentant une analogie certaine des conditions de vie. Ainsi, les géophytes ( ou plantes bulbeuises au snes des jardiniers ) se trouvent essentiellement sous les climats à saison sèche et saison humide bien tranchées; elles peuvent en effet passer la saison sèche, qui est la saison défavorable surtout si c’est la saison chaude, à l’état de repos complet. On les rencontre donc surtout sous les climats de type méditerranéen.

Lorsque la saison sèche est encore plus accentuée, donc plus défavorable, le pourcentage des espèces annuelles, ou thérophytes, augmente considérablement. Ces plantes, qui germent à la saison des pluies, fleurissent et graines en hâte, et passent la saison sèche sous forme de graines, forment 38 % de la végétation du désert lybien, par exemple.

En revanche, sur les hautes montagnes de nos Alpes, ou dans les régions polaires, il n’y a pratiquement pas de thérophytes. Encore, celles que l’on voit chez nous en altitude : Gentiana nivalis et G. tenella,diverses Euphraises, quelques Sedum…, ne sont-elles pas réellement annuelles. Elles ne fleurissent certes qu’une fois, mais la saison chaude est trop courte pour qu’elles puissent fleurir et fructifier l’année même de leur germination. Elles sont donc seulement monocarpiques, mais bisannuelles ou pluriannuelles (les spécialistes disent : hapaxanthes).

Dans les régions tempérées-froides, le type normal de la végétation est la forêt, composée d’arbres à feuilles caduques en hiver, ou de conifères à aiguilles dures et fines résistant à la « sècheresse physiologique » hivernale. La chute des feuilles, chez nous, est liée à la saison froide. Dans d’autres contrées, à climat sub-désertique, c’est pendant la saison sèche que les arbres, s’il y en a, perdent leurs feuilles : il en va ainsi dans les semi-déserts de Californie et de Madagascar, ou dans les savanes africaines. Dans les régions tropicaleshumides, où les conditions de chaleur et d’humidité sont toujours proche de l’optimum, on a la forêt d’arbres à larges feuilles persistantes.

J’ai cité ces quelques exemples, choisis un peu au hasard, pour rappeler que, à conditions de vie données, correspond normalement un aspect donné de la végétation. On a souvent été tenté d’intervertir les termes, et de déduire les conditions de vie de l’aspect de la végétation : comme toute généralisation ou extrapolation, cela peut conduire à de graves erreurs. Car des facteurs très différents peuvent atteindre un même résultat : le vent froid là, la sècheresse ailleur. Nous en verrons quelques exemples à propos des plantes  en coussinet.

L a convergence de la forme des plantes, sous des conditions semblables ou équivalentes, est indiscutable. Encore peut-il y avoir plusieurs formes  » d’adaptation » à des conditions semblables. Et c’est heureux, sans quoi les paysages végétaux risqueraient d’être bien monotones. Quant à savoir s’il s’agit d’adaptations progressives, devenues héréditaires par mutations lentes ou brusques, ou si les espèces non « pré-adaptées » ont été éliminées ou n’ont pu prendre pied, c’est un autre problème, qui a déja fait couler beaucoup d’encre et donné lieu à des discutions passionnées. Ce n’est peut-être qu’un faux problème, une version de celui de la poule et de l’oeuf : des deux, qui a commencé ?

Quoi qu’il en soit, ces formes sont généralement très stables dans le temps, à l’échelle humaine. On peut cultiver en plaine des androsaces en coussinet, elles restent en coussinet, peut-être un peu plus lâche. J’ai cultivé, à partir de nombreux semis efféctués en plaines, Juniperus communis et Juniperus nana, ce dernier étant considéré par plusieurs auteurs comme une forme adaptative même pas héréditaire : dès les premières années après la germination, la différence entre les deux espèces est considérable. Mais le contraire n’est pas entièrement vrai : sous le climat de la montagne, dans le Jardin Alpin du Lautaret par exemple, Juniperus communis tend à perdre le pot de J. nana, sans toutefois perdre la morphologie distinctive de ses organes. Comme on pouvait s’y attendre, un climat rude tend à uniformiser l’aspect des êtres qui lui sont soumis, plus que le ferait un climat tempéré : de cela nous verrons des exemples chez les plantes en « faux » coussinet.

Bien entendu, suivant les espèces ou les races, on trouvera toutes les possibilitées, depuis la plante à forme (morphologie) et les besoins vitaux (écologie) strictement déterminés par son organisation interne, à la plante à morphologie et écologie plus ou moins lâche.

Des statistiques assez récentes donnent environ 400 espèces de plantes en coussinet, réparties en 34 familles et 78 genres. La répartition de ces plantes se présente approximativement comme suit :

  – 2 % en Afrique : Sahara (très peu, et surtout annuelles) et montagnes du Cap, réparties en deux familles;

  – 2 % dans les régions polaires arctiques (très rares, en fait, et aucune en « vrai  » coussinet), en trois familles;

  – 10 % dans les montagnes d’Amérique du Nord (surtout dans les Rocheuses internes, semi-désertiques) en une dizaines de familles; 

  – 10 % dans les montagnes européennes, en huit familles;

  – 12 % dans les îles antarctiques : Nouvelle-Zélande, Tasmanie, Kerguelen, etc., en cinq familles;

  – 15 % dans les montagnes et hauts déserts asiatiques, en dix familles; 

  – 50 % en Amérique du Sud, des Andes du Nord, au-dessus de 4000 mètres,  à la terre de feu, réparties entre vingt-huit familles; on trouve là une variété étonnante : des violettes, des valérianes, des verveines, des oxalis, des malvacées, des ombellifères, des géraniacées, des rubiacées, des campanulacées, et jusqu’à des joncacées et des populages (Caltha)*.

*Si un  » fort -en-math  » additionne les pourcentages ci-dessus, il trouvera un total de 101 %. Ce détail ne m’a pas échappé, mais j’ai estimé stupide d’utiliser des fractions, en partant de chiffres très approximatifs.

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QUE SONT DONC LES PLANTES EN COUSSINET ?

Ce sont des plantes vivaces (sauf très rare exceptions, dans les deserts et semi-deserts), à feuilles persistantes, sans axe principal mais à nombreuses ramifications radiales, pérennes, et s’allongeant chaque année. Elles offrent souvent l’aspect de certaines mousses (de haute montagne ou d’endroits très secs), telles les Grimmia; cette apparence est rappelée dans maints noms d’espèces : musciformis, muscoides, bryoides.

La ramification radiale est un caractère intrinsèque, donc stable : la culture sous d’autres climats ne change que peu, ou pas, le caractère de la plante. Plantes sempervirentes (toujours « vertes »), presque toutes passent l’hiver avec des « bourgeons ouverts », c’est-à-dire non protégés par des écailles comme les bourgeons de nos arbres.

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CROISSANCE ET DÉVELOPPEMENT.

Le mécanisme qui produit les coussinets a été étudié soigneusement par W. Rauh. Il peut être décrit de la façon suivante : 

Si nous considérons une plante à croissance « normale », un jeune sapin par exemple (au moment de conclure, nous verrons pourquoi il faut un jeune sapin), il apparaît que l’accroissement s’effectue plus ou moins également pour toutes les parties, quelle que soit leur position relative sur l’axe principal, ce qui donne une silhouette en pyramide. Très généralement d’ailleurs, l’accroissement est un peu plus rapide vers le sommet, ce qui donne une pyramide étroite.

Chez les plantes en coussinet, au contraire, l’accroissement présente dès le début une très grande inégalité : 

Chez les plantes en coussinet bombé, qui sont les « vraies » plantes en coussinet, l’accroissement ne se produit qu’au sommet. Il est dit acrotone.

Chez les plantes en coussinet plat, il ne se produit que vers la base. Il est dit hypotone, et produit des plantes en coussin plat ou en plaques.

Les rameaux donnent, vers le sommet dans le premier cas, vers la base dans le second, des ramifications en général peu nombreuses et qui présentent un allongement à peu près égal pour chaque pousse. Cet allongement peut être minime, de l’odre de quelques centimètres ou millimètres par an.

Si l’axe du rameau participe à l’allongement, la croissance est dite monopodiale. S’il n’y participe pas, et c’est le cas en particulier lorsqu’il est terminé par une fleur, elle est sympodiale.

Ces modes de croissance se retrouvent chez des plantes très différentes, auxquelles ils impriment un aspect semblable : le Dragonnier des Canaries (Dracaena draco), Euphorbia dendroides, Euphorbia spinosa, Seseli caespitosum, Raoulia eximia, certains Azorella, les Saxifrages du type Burseriana, sont à croissance acrotone, sympodiale.

Les astragales en coussin, les acantholimons, les androsaces de la section Aretia, sont à croissance acrotone, monopodiale.

Les « arbustes en espalier » : saules nains, Dryas, Loiseleuria, Potentilla nitida; les plantes en coussinet plat : Silene acaulis, Saxifraga oppositifolia, Azorella trifurcata, sont à croissance hypotone, sympodiale ou monopodiale suivant les espèces. Malgé la lenteur de leur croissance, certains coussinets peuvent atteindre soit plusieurs mètres de diamètre, comme Raoulia eximia, soit plusieurs mètres de haut, comme diverses espèces d’Azorella des hautes Andes.

L’age que peuvent atteindre les plantes en coussinet est très mal connu. Certains individus d’androsace doivent dépasser le siècle, certains Raoulia et Azorella en atteindre plusieurs. Dans certains genres à nombreuses espèces : Saxifraga, Androsace, Azorella, Raoulia, etc., on trouve tous les passages, de la plante en touffes lâches au coussinet plat, puis au coussinet bombé. Il ne s’agit généralement que de différences quantitatives.

FEUILLES.

Les feuilles sont d’ordinaire très petites, atteignant rarement un centimètre, simples, souvent entières, épaisses, et presque toujours sessiles. Dans les cas les plus extrêmes, ce sont des feuilles restées à l’état d’ébauche : feuilles réduites à des épines et des gaines comme chez Azorella columnaris et Abrotanella forsterioides. Beaucoup sont recouvertes de poils, ou enroulées sur elles-mêmes, ou composées d’une très petite partie chlorophylienne entouréer d’une large bordure scarieuse de cellules vides et transparentes. D’autre se cachent entre de grandes bractées scarieuses; dans ces derniers cas, on a parfois du mal à distinguer si la plante est vivante ou morte. Le prix décerné à une petite plante de Raoulia eximia, présentée à l’exposition organisée à Londres pour la Troisième Conférence des Plantes de Rocailles, a suscité de nombreux commentaires dans les milieux intéressés, – les opposants prétendant que ce prix avait été attribué à une plante morte depuis longtemps ! Plantes des hautes montagnes, des rivages très ventés, des déserts et des semi-déserts, leurs feuilles offrent ainsi les caractères d’un xéromorphisme très poussé, que confirme leur anatomie : cuticule épaisse, tissus épais, succulents. Les stomates, peu nombreux, sont sur la partie protégée de la feuille, partie qui peu être la face inférieure (abaxiale) ou supérieure (adaxiale), suivant l’orientation de cet organe. 

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RACINES.

Les racines sont très généralement du type allorhize. En d’autres termes, le système radiculaire comporte à la fois : 

  • une très forte racine pivotante, qui peut dépasser un mètre de longpour des plantes dont la hauteur hors terre est de l’ordre du centimètre (nous avons déterré soigneusement un Silene acaulis dont la racine pivotante dépassait deux mètres, pour une plante de quinze centimètres de diamètre et un centimètre de haut);
  • et, à côté de cette racine pivotante, de nombreuses, courtes et très fines racines adventives se développent souvent, dans les plantes en coussinet dense, à l’intérieur même du coussinet, dont le « remplissage » est assuré par les particules minérales apportées par le vent ou les eaux, et surtout l’humus formé par les anciennes feuilles se décomposant lentement sur place. Chez la majorité des plantes en coussinet, les feuilles sont en effet marcescentes, c’est-à-dire qu’elles sèchent sur place, sans se détacher du rameau. Ceci explique la facilité relative du bouturage d’espèces telles qu’Eritrichium nanum ou les androsaces de la section Aretia. En fait, il est souvent bien plus aisé de réussir des boutures de ces plantes que de transplanter un coussinet entier : chaque rameau-bouture, enfoncé jusqu’à la rosette terminale dans un sol bien tassé, est assuré d’une humidité constante et d’une évaporation réduite jusqu’à l’enracinement convenable. Si au contraire on transplante un coussinet entier, dont la racine pivotante est en général cassée à l’arrachage, la plante, chargée de feuilles et reposant sur le sol, avec lequel elle ne fait pas corps, a les plus grandes chances de se dessécher.                                                                                                         
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 FLEURS.

Organes éphémères, ne se développant qu’à la saison la plus favorable, les fleurs des plantes en coussinet ne présentent pas de caractères particuliers. Grandes ou petites, blanches, vertes ou vivement colorées, éclatantes ou presque invisibles, acaules ou pédonculées, elles peuvent être solitaires sur chaque rameau ou être groupées selon l’un des innombrables modes imaginés par le règne végétal. Mais même des fleurs qui paraîtraient insignifiantes sur une plante de haute taille brillent d’un éclat particulier sur un coussinet minuscule, qu’elles cachent parfois en entier.

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EN CONCLUSION, nous pouvons nous demander quelles sont les raisons de la répartition des plantes en coussinet, répartition très particulière comme nous l’avons indiqué au début de cet exposé sommaire et grandement simplifié. Nous ne nous demanderons pas si les conditions de vie ont déterminé ces formes par adaptation ou bien si elles les ont séléctionnées : ceci reste du domaine des hypothèses incontrôlables. Mais que ces conditions puissent être démontré par la production de « semble-coussinet ». Courbés et aplatis par le poids de la neige, les rameaux semblent à croissance basitone. Tous les facteurs qui déterminent la mort des bourgeons terminaux et des pousses les plus longues (donc les plus exposées) : gel, vent qui casse, dessèche ou abrase, soleil qui brûle, animaux qui broutent, provoquent, chez des epèces très variées, une ramification acrotone. La forme hémisphérique apparaîtra alors chez les végétaux les plus divers : chez Juniperus communis cultivé en montagne, chez Empetrum nigrum poussant dans des conditions très exposées, chez Pistacia lentiscus ou Calycotome spinosa sooumis aux vents de mer…

La physiologie même de la plante est changée. Deux travaux récents me paraissent particulièrement suggestifs, à cet égard.

GRANT et HUNTER (1962) ont étudié en cultures comparatives les écotypes (formes stationnelles) de Calluna vulgaris, espèce à amplitude écologique très grande, puisqu’on la trouve sur arènes siliceuses sèches comme sur tourbière, depuis le niveau de la mer jusque, chez nous, vers 2000 mètres. Ils ont observé que les plantes issues de graines récoltées dans des endroits très ventés ou en altitude présentaient, en proportion croissant avec l’altitude ou le vent du lieu d’origine, des formes à ramifications courtes et plus ou moins égales, à croissance lente, se rapprochant de plus en plus de la forme en coussinet. Ce sont là, on le voit, des formes génétiquement fixées.

WHITEHEAD et LUTI (1961) ont étudié les effets du vent sur des plantes apparemment aussi peu plastiques, et surtout aussi peu montagnardes, que le Maïs et le Grand Soleil (Helianthus), qu’ils ont soumis quarante jours à un vent permanent d’environ 53 km/heure. Les résultats en furent des modifications morphologiques, anatomiques et physiologiques très nettes de toutes les parties de la plante et même des racines; – modifications  du même ordre que celles reconnues chez nos végétaux de haute montagne. Ne pouvant citer ici le détail, je résumerai seulement les conclusions de ces auteurs : « La signification écologique de ces résultats est qu’un génotype (forme héréditaire) donné, exposé durant tout son développement à des conditions adverses croissantes paraît capable de produire une phénotype (forme stationnelle non fixée) modifié dans une direction en harmonie avec ces conditions. D’autres espèces doivent être capables d’une plasticité encore plus grande. »

D’autres expériences de WHITEHEAD, faites sur place, en montagne, dans les Abruzzes et dans les Balkans, lui ont montré que « les mêmes effets, très exactement, sont obtenus par l’exposition au vent, par le manque d’eau ou l’accroissement de l’intensité lumineuse ».

Depuis la découverte des hormones végétales, ou auxines, on a tendance à admettre que toute la croissance et le développement des plantes sont réglés par ces substances plus ou moins mystérieuses. A tel point que l’on n’hésite guère à nommer une nouvelle auxine, même si on ne parvient pas à l’isoler, dès que l’on croit pouvoir la définir par ses effets en cas particulier.

Qui ne voit la possibilité de formes de croissance différentes, sans même envisager un faible changement dans la nature des auxines, mais seulement de leur répartitions dans les divers organes, à divers niveaux ? C’est le moment d’expliquer pourquoi je prenais comme exemple un jeune sapin. Un vieux sapin, et plus encore un vieux cèdre, ne s’accroît plus en pyramide terminéepar une flèche, mais présente une croissance nettement acrotone : il ne doit point s’agir, chez ces formes de vieillesse, d’un changement de nature des auxines réglant la croissance, mais d’un simple changement dans leur répartition ou leur dilution.

Les facteurs dont le rôle est déterminant sont la sècheresse, les basses températures et le vent. On sait d’ailleurs qu’un vent violent, même chargé d’humidité, dessèche et abaisse la température.

Presque partout, les plantes en coussinet apparaissent comme les extrêmes avant-gardes de la végétation, là où les conditions d’existence sont les plus défavorables. Dans les Alpes, on les rencontre surtout au-dessus de 2000 à 2500 mètres, suivant les régions, après avoir dépassé la ceinture des arbres nains. Plantes pionnières, elles habitent les falaises et les fissures de rocher, parfois bien plus haut que la limite des neiges persistantes : Androsace alpina dépasse 4000 mètres au Cervin, Phlox caespitosa condensata a été trouvé à 4500 mètres dans le Colorado, Arenaria musciformis à 6222 mètres à l’Everest.

Sur les hauts sommets de nos Alpes, on peut dire que la forme en coussinet est la forme presque exclusive qu’adoptent les végétaux dont une partie importante subsiste hors terre pendant la saison la plus défavorable, qui est ici  l’hiver. RAUH, déja cité, a vu en haute altitude des plantes normalement en touffes lâches, telles Cerastium alpinum et Linaria alpina, prendre la forme en coussinet; j’ai moi-même observé ce phénomène chez bien d’autre espèces. Dans le Valais, dont la flore nivale et subnivale a été particulièrement bien étudiéé, et qui détient les records d’altitude de la végétation phanérogamique pour le Alpes, les espèces suivantes dépassent 4000 mètres  :

Saxifraga bryoides, au Finsteraarhorn, 4000 m et plus; 

Saxifraga moschata, au Finsterraarhorn, 4000 m et plus;

Saxifraga biflora,au Cervin, 4200 m;

Saxifraga muscoides, au Cervin, 4200 m;

Draba fladnizensis, au Rimpfischorn, 4100 m;

Gentiana brachyphylla, au Cervin, 4200 m;

Androsace alpina, au Cervin, 4200 m;

Linaria alpina, au Rimpfischorn, 4100-4200 m;

Phyteuma pedemontanum, au Cervin, 4010 m;

Ranunculus glacialis, au Finsteraarhorn, 4273 m.

(Androsace helvetica et Eritrichium nanum manquent de peu les 4000 m.)

De ces dix espèces, les sept premières sont en coussinet. Linaria alpina, nous l’avons vu, prend cette forme dans les situations les plus exposées. Des deux dernières, la Raiponce du Piémont perd ses feuilles au début de l’automne, et subsiste par sa souche qui ne dépasse pas le sol. La Renoncule des glaciers ne subsiste que par ses racines charnues et se comporte comme une véritable plante bulbeuse.

Il est remarquable que Ranunculus glacialis, la plante qui monte le plus haut dans nos Alpes, soit aussi celle qui s’avance le plus près du Pôle Nord et qui atteigne, dans les régions arctiques les plus hautes altitudes. Il est encore plus remarquable que ce soit la seule espèce citées ci-dessus qui appartienne à la fois à la flore arctique et à la flore alpine, alors que sur les quelque 800 espèces de phanérogames recensées dans l’Arctique, environ 17% se retrouvent dans les Alpes et sont pour cela appelées arcto-alpines. De plus, la répartition actuelle de la Renoncule des glaciers et de ses alliés (genre ou sous-genre Oxigraphis) montre que ce sont des espèces d’origine alpine, ou mieux centre-asiatique, n’ayant atteint les régions arctiques qu’après les glaciations.

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QUEL EST LE CLIMAT dans nos Alpes, au-dessus de 4000 mètres ?

A cette altitude, il y a normalement des glaciers. Là où il n’y en a pas, c’est que la pente du rocher et la violence du vent ne permettent pas à la neige de s’accumuler. Les plantes y sont donc soumises toute l’année à tous les effets du vent, du soleil et de la gelée. Pendant la plus grande partie de l’année, l’air, très sec et raréfié, reste à des températures inférieures à zéro, même en plein soleil. La diminution de la pression atmosphérique favorise l’évaporation. A la sécheresse physiologique (eau gelée), s’ajoute l’action déshydratante du vent. Or, la violence des vents croît avec l’altitude et, comme l’avait noté FLAHAULT, « les vents dessèchent le sol (et les organisme) plus complètement que ne le fait le soleil le plus ardent ».

La tension de la vapeur d’eau diminue avec l’altitude, plus vite encore que ne diminue la pression. Elle diminue également avec la température. A 4000 mètres, la pression est les deux tiers de la pression au niveau de la mer, la tension : le quart. L’humidité absolue finit par être trop faible pour donner lieu à des précipitations importantes. De même, la pluviosité est très faible dans les pays très froids, comme les régions polaires.

En haute montagne, si l’air reste froid pendant le jour et si les gelées nocturnes sont la règle, l’intensité des radiations solaires augmente rapidement avec l’altitude : 4000 mètres, au Mont Blanc, elle est évaluée à 180 % de l’intensité au niveau de la mer. Les corps qui absorbent la chaleur (rochers et plantes) atteignent des températures bien supérieures à celles des mêmes corps en basse altitude. Selon GODEFROY, le nombre des calories reçues par minute et centimètre carré, sur une surface normale aux rayons solaires, est, dans les même conditions, de 1745 à Paris, 2022 au Glacier des Bossons, 2392 au sommet du Mont Blanc.

Agissant tous dans le même sens, les effets de l’altitude, du vent et du froid s’additionnent pour provoquer une sécheresse de plus en plus intense. On peut s’en faire une idée en relisant les notes de Jean Franco sur l’Expédition au Jannu du Club Alpin Français : « A ces altitudes, chaque homme doit boire 5 à 6 litres d’eau par jour, ce qui posait des problèmes de transport. »

On peut donc conclure que la caractéristique essentielle du climat de haute montagne, c’est la sécheresse. Comme l’écrit encore Godefroy : « Dans les valeurs qu’il peut prendre à la surface du globe, le froid ne paraît pas suceptible, à lui seul, de s’opposer au développement de la végétation*. Mais il crée une sécheresse physiologique, à laquelle il convient surtout d’avoir égard…Dans un régime de chaleur que ne compense pas une humidité suffisante, et dans un régime de froid, les plantes prennent le caractère des plantes de sécheresse. » Le premier de ces régimes est celui des déserts et semi-déserts, le second, celui des « frigori deserta » de Rübel. 

Lüdi, à la suite de ses expériences sur la dessiccation en relation avec l’altitude, conclut ainsi : « La force de dessèchement de l’air offre une assez satisfaisante sommation de tous les facteurs atmosphériques qui règlent et limitent la croissance des végétaux…Le dessèchement augmente fortement avec l’altitude. » Bien entendu, on n’en saurait déduire que les plantes xéromorphes ont besoin de sécheresse pour vivre. Simplement, elles peuvent supporter des périodes de sécheresse, plus ou moins longues, qui tuerais des espèces moins résistantes. Elles poussent bien plus vigoureusement lorsqu’elles disposent d’une humidité suffisante. Mais la plupart ne semblent pouvoir supporter l’humidité stagnante. J’ai néanmoins conservé au Lautaret plus de deux ans, quelques touffes d’Eritrichium nanum, plantées le long du ruisseau, à peine au-dessus du niveau de l’eau, et, de plus, à l’ombre d’un saule; il est vrai qu’en hiver, elles étaient malgré tout en situation « sèche », l’eau étant gelée. Si ces plantes ne se trouvent pas, dans la nature, dans des conditions plus favorables, c’est qu’elles sont éliminées par les espèces à croissance plus rapide et à exigeances en lumière moins grande. Ainsi, dans le Jardin Alpin du Lautaret, Androsace helvetica, plantée au sommet d’un bloc de tuf, pratiquement sans terre, en plein soleil, et sans aucun arrosage, a survécu à l’été extrêmement sec (dans le Sud-Est) de 1962. Mais elle pousse bien mieux en situation moins sèche, dans une bonne terre, à condition d’être protégées contre la concurrence des espèces plus vigoureuses. De même, dans le Jardin du Laboratoire de Botanique, à Grenoble, cactées et autres « plantes grasses » croissent avec une vigueur prodigieuse, en été, lorsqu’elles sont soumises à des arrosages abondants et répétés, si les conditions de température sont suffisantes; arrosées en période froide, elles pourriraient.

On peut s’étonner de voir paraître ici des plantes grasses et cactées. Ceci illustre ce que j’écrivais en commençant : qu’il peut y avoir différentes formes d’adaptation à un même facteur. Le problème de la résistance à la sécheresse a été résolu d’une certaine manière par les plantes en coussinet. Il l’a été d’une autre façon par les plantes succulentes, aux tissus gorgés d’eau. Certaines de ces plantes succulentes, comme Opuntia floccosa et O. lagopus des hauts plateaux andins, adoptent d’ailleurs la disposition en coussinet. Des autres formes d’adaptation à la sécheresse, la plus curieuse est peut-être celle des plantes « reviviscentes » : ces plantes se déshydratent presque complètement (comme le font aussi certains animaux inférieurs) et se recroquevillent sur elles-mêmes, pendant la saison sèche, pour reverdir et s’épanouire aux premières pluies.

Si l’on se reporte au tableau de la répartition des plantes en coussinet, on voit que partout règnent des vents violents, accompagnés ou non d’une sécheresse du substratum, et de températures basses ou très basses. Les hauts plateaux et les sommets des Andes, aux précipitations rares, sont soumis en permanence à des vents violents. Les Kerguelen et les autres îles antarctiques ont été définies par Schimper comme des « Windwüsten » (déserts de vents). On connaît l’extrême violence des vents sur la pointe méridionale de l’Amérique du Sud, tout particulièrement en Patagonie. Les vents glacés du Groenland, du Spitzberg ou du Labrador, les déserts et semi-deserts d’Asie, le Sahara et les montagnes Sud-Africaines, les Rocheuses internes, offrent des conditions semblables ou équivalentes. On connaît aussi les conditions sévères des montagnes néo-zélandaises. Relatant une excursion dans les Southern Alps (Alpes du Sud de Nouvelle-Zélande), R.C. Allan écrit en décembre 1962, à propos de Raoulia bryoides, l’un des plus petits des « vegetable-sheep » : « Les plantes doivent être équipées pour survivre à une sécheresse excessive, à des vents furieux, à un soleil brûlant, à de hautes températures et aux neiges hivernales. Cela (leur survivance) est réellement incroyable ».

La forme en coussinet, dans ses caractéristiques les plus extrêmes, peut donc être considérée comme l’une des meilleures formes d’adaptation à la sécheresse, sécheresse « réelle » ou « physiologique ». C’est aussi l’une des formes les plus aérodynamiques.

*Flahault écrivait : « La flore nivale n’a pas de limite supérieure. »

RÉFÉRENCES :

Godefroy R. : La nature Alpine (1940), Chambéry.

Raunkiaer C. : Types biologiques pour la Géographie botanique, K. Danske Vidensk. Selsk., Ov. Forhandl. (1905), 345-438.

Rauh W. : Ueber Polsterfömigen Wuchs, Nova Acta Leopoldina (Halle-Saale), Neue Folge Bd. 7, n° 49 (1939), 268-508, 22 pl. et nombr. ill.

Whitehead F. et Lüti R. : Experimental studies of the effect of wind on plant growth and anatomy, New Phyt., 61 (1962), 56-62.

Multiplication des plantes de rocailles par voie végétative

Cet article est paru dans le bulletin SAJA  de 1984 Tome IX- N° 97 – 33e Année Guy Rabaron

La multiplication par semis des plantes dans nos rocailles peut se révéler quelquefois décevante, en ce qu’elle ne reproduit pas toujours exactement la plante désirée par l’amateur. En effet les espèces de certains genres comme des Dianthus ou les Aquilegia peuvent s’hybrider, le fait est bien connu des Sajistes. C’est pourquoi, pour obtenir la propagation d’un même clone, on a recours à d’autres procédés.

1) Division. C’est le plus simple et le plus facile. De nobreuses plantes de rocaille forment des touffes cespiteuses qu’il est facile de séparer au printemps ou à l’automne et de replanter simplement à l’emplacement choisi. Tel est le cas pour les plantes du genre Primula, certaines Gentianes, Campanules, Dodecatheon, Mimulus, Véroniques, beaucoup de Saxifrages et Sedums. Le même procédé est également employé pour les plantes formant des stolons, des rejets ou des tiges rampantes. Pour ces dernières on peut aussi marcotter. Ces opérations se font en début de printemps, ou en fin de floraison, quand la nouvelle pisse est formée.

2) Boutures. Dans ce procédé, on sait que certaines plantes se bouturent facilement, et que d’autres demandent des soins et des précautions attentives. Dans la plupart des cas le meilleur  moyen est d’opérer dans un chassi chauffé par une résistance électrique entérrée, ou dans une serre peu chauffée, ou simplement dans sa chambre (!) au moyen de ces mini-serres vendues dans le commerce. S’il n’y a que quelques boutures à faire, on recouvre le pot ou la caissette d’un sac en plastique fermé sur le pot avec 1 ou 2 élastiques et 4 bâtons de bambou dont le sommet est relié par un croisillon de fil de fer. Ainsi le sac se maintient rigide; (ne pas oublier de percer quelques trous dans le sac, sinon vos boutures moisiraient). Ne pas oublier non plus de bien drainer les pots avec des tessons ou des cailloux. Avec une telle installation, les pots peuvent rester plusieurs semaines sans être arrosés, la condensation maintenant une humidité suffisante dans la plupart des cas.

Le mélange terreux sera le suivant : 1 partie de terreau de feuilles bien décomposé + 1 partie de tourbe horticole + 1 partie de sable non calcaire (sable de Loire).

Quelles espèces peut-on bouturer, et à quelles dates ?

    a) Plantes à tige molles : genre Lithospermum, Campanula, Gentiana, Limodora, Chrysanthemum, Hypericum, Aethionema, Antirhinum, Linum, Salvia, Armeria, Alyssum, Aster, Cyananthus,      Edraianthus,Viola, Gypsophile, Phlox, Saponaria, Silene, Teucrium, Zauschneria. Bouturage au printemps, c’est-à-dire au moment où la pousse est active.

    b) Plantes dont les pousses basales se forment en été : c’est le cas de beaucoup de plantes alpines : Arabis, Aubrietia, Iberis, Saxifrages, Dianthus, Dryas, Eodium, Geranium, Globularia,          Penstemon, Sedum. Bouturage entre fin août et octobre.

    c) Plantes semi-ligneuses. Elles doivent être comme on dit aoûtées, c’est-à-dire qu’il faut attendre la fin de l’automne au moment où leurs feuilles commencent à tomber et que la tige devient      plus dure. Ex. : Salix, Conifères nains, Lavandula, Daphne, Fuschia.

Pour toutes ces boutures, il convient d’enlever les feuilles du bas et au besoin de couper la moitié des autres, avant d’insérer la tige en terre. Enlever les autres feuilles au fur et à mesure qu’elles jaunissent.

Combien de temps avant la reprise ? Ce temps est variable. Pour le premier groupe, il faut compter 2 à 3 semaines; pour le deuxième au moins 4 semaines, et le troisème souvent plusieurs mois.

A ce moment, repiquez en pot de 5-7 ou en chassis dans un mélange similaire ou un peu plus riche en terreau. Arrosez soigneusement, bien à l’ombre (mur au Nord) et enterrez les pots ou les terrines dans du sable ou de la tourbe. Dès ce moment, où on aura retiré le sac de plastique, surveillez la fraîcheur du compost qui doit être toujours humide, mais pas détrempé : les premières feuilles doivent commencer à apparaître. En général un arrosage hebdomadaire est suffisant.

Pour la mise en place de la nouvelle plantule, il faut attendre encore 3 ou 4 semaines, et surveiller attentivement la reprise, surtout dans les parties sèches de la rocaille, en arrosant plus ou moins suivant les conditions météorologiques. Certaines plantes comme les Daphnés devrons quelquefois attendre le printemps suivant et passer l’hiver en chassis.

3) Boutures de feuilles. Les Gesnériacées en général (Ramonda, Haberlea, Conandron), certaines Primulas du groupe Petiolaris, la plupart des Sedums, les Lachenalia (Liliacées), quelques Fougères, peuvent ainsi être multipliées. Prenez une jeune feuille bien développée avec le pétiole, insérez fermement en pot d’argile dans un mélange de tourbe et de sable à parties égales. Couvrez selon votre manière préférée. Les racines émergeront de la base du pétiole, puis un bourgeon se développera juste au-dessus, et donnera naissance à une plantule, que vous rempoterez aussitôt.

Certaines Fougères (Asplenium, Nephrolepis) peuvent aussi être multipliées en détachant une fronde adulte, que l’on piquera dans le compost de terreau mélangé de tourbe et de terre de bruyère. Avoir soin d’enfoncer le rachis suffisamment pour que la base des pinnules soit en contact avec le compost. Au bout de 1 à 2 mois, une plantule se développera au point d’intersection du rachis et des pinnules, puis elle formera des racines. Il ne restera plus qu’à détacher soigneusement la plantule et de la mettre en pot.

4) Boutures de racines. Certains auteurs préconisent ce procédé pour des plantes à racines renflées, comme Ranunculus asiaticus, Morosia monantha, Weldenia candida, Anchusa caespitosa, Verbascum, Phlox, Papaver, Geranium, Primula denticulata ou capitata. On déterre la plante en octobre-novembre et on sépare les plus grosses racines. On coupe en morceaux de 2 à 3 cm; on les place dans une terrine plate, et on enfonce le compost semblable à ceux utilisés pour les semis. Tenir en chassis froid hors gel. J’avoue n’avoir jamais essayé ce procédé.

Un jardin de fougères rustiques

Le 13 mai 2014 une vingtaine de Sajistes ont eu la chance de pouvoir visiter une collection de fougères rustiques à Roinville-sous-Dourdan dans le département de l’Essonne.
Nous sommes accueillis très chaleureusement par M. et Mme Leherquier qui viennent de terminer l’aménagement de leur collection initiée au début des années 2000.
L’ombrage et la fraîcheur étant un des facteurs clés pour la culture des fougères, les 220 taxons (espèces, sous-espèces, cultivars) de la collection sont rassemblés sous une ombrière de 400 m2 environ, constituée d’un filet à maille fine. Deux bassins et quelques pieds de Gunnera viennent apporter un complément de fraîcheur. L’épais paillis d’écorces de pin et de frondes qui recouvre le sol argilo-siliceux permet de limiter les arrosages au strict minimum.


A l’exception de Dicksonia antartica Labill., une fougère arborescente gardée en serre froide pendant la mauvaise saison, la plupart des autres plantes sont rustiques et passent donc l’hiver à l’extérieur. Les genres les mieux représentés dans la collection sont Dryopteris, Polystichum, Athyrium et Polypodium. Parmi les espèces les plus remarquables nous avons pu admirer Dryopteris neorosthornii Ching, une fougère à rhizome court originaire des montagnes d’Asie, pouvant atteindre un mètre de haut et qui se distingue par des rachis couverts d’écailles très noires, comme chez Dryopteris wallichiana (Spreng.) Hyl., également présente dans la collection.
Deux d’entre nous ont découvert Pyrrosia shaereri (Baker) Ching, introduite en France en 1998 à l’occasion d’une l’expédition en Chine du Conservatoire des Collections Végétales Spécialisées (CCVS). La plante est proche de Pyrrosia lingua (Thumb.) Farwell mais s’en distingue par des feuilles à base cordée (photo ci-dessus).

A l’occasion de cette visite d’autres fougères ont été particulièrement remarquées comme Adiantum pedatum L. ‘Miss Sharples’ aux pinnules ondulées ; Cyrtomium caryotideum (Wall.) C. Presl aux frondes coriaces et persistantes ; Dryopteris affinis (Lowe) Fraser-Jenkins ‘Polydactyla Dadd’s’ aux pennes à « doigts multiples » ; Dryopteris erythrosora (D.C. Eaton) Kuntze aux spores rouges à la face inférieure des frondes ; Cyrtomidictyum lepidocaulon (Hook.) Ching dont le rachis des frondes peut s’enraciner et donner un nouvel individu ou encore Polystichum polyblepharum (Roem.ex Kunze) C. Presl aux frondes brillantes qui peuvent produire directement de petits individus prêts à être replantés et Cyptopteris bulbifera (L.) Bernhardi dont les frondes produisent de petites bulbilles qui donnent naissance à des plantules identiques à la plante mère.
Très heureux d’avoir eu le privilège de visiter une des trop rares collections de fougères rustiques en France, nous devons quitter les lieux car nous sommes attendus à l’arboretum de Segrez situé quelques vallées plus loin.

Pays Niçois

Séjour en Roumanie

Jardins de Kew et de Wisley

Certains d’entre nous attendaient ce moment depuis trente ans et, levés depuis l’aurore afin de ne pas manquer ce rendez-vous, nous nous sommes retrouvés quinze Sajistes à prendre l’Eurostar. Un grand autobus nous amène à Kew Gardens et enfin nous y sommes et, bien que nous ayons beaucoup entendu parler de ce lieu, la magie opère.
Au premier coup d’oeil, ce sont les arbres, majestueux, posés sur l’herbe comme des trophées, sûrs de leur grandeur et de leur beauté. Arbres remarquables pour la plupart, l’automne doit y être magnifique ! Puis, sous un temps incertain, un peu gris, frais et même humide, nous arpentons les allées en direction de la Davies Alpine House. Elle a la forme d’une voile et contient des trésors protégés. Dans un espace découvert de rochers et de cascades, les plantes de rocailles sont là, dans toute la beauté de leurs couleurs et de leurs variétés, iris, géraniums, pour la plupart en pleine floraison. Le régal des yeux est évident et les appareils photos crépitent. La Davies Alpine House, au milieu de la rocaille, nous a servi de refuge contre la pluie et d’observatoire sur des plantes rares, Erodium, Physoplexis, Campanula….

D’autres explorations nous attendent comme le Princess of Wales Conservatory où nous passons des plantes carnivores aux orchidées, puis des plantes désertiques aux plantes aquatiques dans un espace enchanteur ! La Palm Tree nous a abrités sous sa nef verte et palpitante. Plantes de Madagascar et des forêts tropicales, dans une humidité chaude et frémissante.

JARDINS DE KEW ET DE WISLEY 2


La Maison, pédagogiquement, nous rappelle que toute notre vie dépend de la nature : la nourriture, l’habillement, les médicaments, les jouets, les instruments de musique, les produits industriels…etc.
Malheureusement la Temperate House est fermée pour travaux, et sans vie,
ce superbe espace semble attendre qu’on le réveille à nouveau.
L’Art botanique est à l’honneur dans la Galerie où Marianne North, intrépide botaniste et peintre, expose ses peintures et l’art botanique contemporain y est aussi représenté. Nous traversons les cistes du Jardin Méditerranéen, croisons la Pagode, loupons la Water Lily House et nous arrêtons pour déjeuner dans l’orangerie où nous apprécions l’ambiance du lieu et la nourriture anglaise !

Wisley Garden.

Dès l’entrée, une immense pépinière où il est possible d’acheter des plantes de qualité et notamment un grand choix de plantes de rocailles que les Sajistes vont largement visiter, une boutique de livres et de cadeaux, une cafétéria.

JARDINS DE KEW ET DE WISLEY 3

De superbes bâtiments anciens bordés d’un très grand bassin d’eau avec jets font l’apparat de ce jardin organisé et magnifié. Ici la nature est disciplinée par des chemins, des plates-bandes très larges qui mènent à différents jardins, dont un des premiers jardins alpins fait en tuf, en ardoises, en rocailles. Points de vue sur un immense potager, une superbe roseraie, une grande serre avec une collection de Dianthus à faire rêver les Sajistes, tout ceci avec des rhododendrons somptueux en couleurs et en grandeur. Le jardin d’essai est un espace calme et grandiose propre à la RHS. Wisley, le jardin horticole si cher aux anglais a particulièrement séduit la plupart des Sajistes.

A ce sujet vous pouvez retrouver dans le n° 216 le compte rendu de Mme Maïté Delmas sur Kew Gardens en 2005.

Geneviève Martine

Visites du jardin alpin du Muséum d’Histoire naturelle

C’est par une matinée frileuse, humide et grise du mois de mai, que Michel Flandrin, le responsable du Jardin Alpin du Museum National d’Histoire Naturelle nous a accueilli chaleureusement et dès l’entrée, nous a rappelé que la SAJA fait partie de ce Jardin Alpin, puisque c’est en créant ce jardin que nos fondateurs, M.Vilmorin, M. Chopinet, grainetiers, Melle Héklova , jardinière, ont crée notre Société en 1952.

Le nom de « Jardin Alpin » vient despremières expéditions faites dans les Alpes, à partir de la fin du 19ème siècle, début 20 ème. Le nom de notre Société en a découlé. Le 1 er JA d’altitude a été créé en 1836 à Lilienfield ,en Autriche. Les anglo-saxons ont nommé ces jardins, Rock garden ou « jardin de rocailles « terme qui associe le minéral au végétal.

JARDIN PECHOUX – PHOTO : GENEVIÈVE MARTINE

Sur place une véritable aventure nous attend avec une variété de milieux reconstitués, des plantes méditerranéennes, des plantes alpines, des plantes de milieu humide et autres massifs et rochers d’Asie. Pendant trois heures, Michel Flandrin nous a conté avec passion son histoire et son évolution au fil du temps. Au départ, carré des couches, il a été conçu comme une annexe de l’école de botanique pour servir de réserve de plantes en chassis, de pépinière, de terrain d’expérimentation pour le greffage et l’hybridation des plantes, des chariots sur des rails, encore là, grimpaient et descendaient la pente entre l’école et le jardin. Petit à petit on a pris conscience de l’évolution des collections avec des populations qui régressent, de la fragilité des milieux et c’est imposé la nécessité de protéger et de faire connaitre cette flore spéciale, pourtant souvent adaptable dans nos jardins.

Dans ce superbe écrin végétal de 4000m2, il y a à peu près 3000 espèces dont 2500 taxons. Il y a 4 jardiniers au jardin (5 avec moi) et une trentaine de stagiaires et bénévoles y travaillent toute l’année.

Grâce à notre guide Michel, qui nous a captivé par ses connaissances et ses anecdotes, ce fut un merveilleux moment de partage de connaissances et d’échanges, loin de notre quotidien. Un grand merci à lui pour sa disponibilité et son dévouement à notre Société !